Les rêves de difficulté à prendre le train se trouvent p. 426 dans le chapitre donc sur la symbolique du rêve.
Freud renvoie, à propos de ces rêves de train et de peur de mourir à la page 282, où il décrivait toute une première série de rêves dit typiques et notamment ceux des rêves d’examen (p.316 à 318) . Ils ont une visée commune, celle de rassurer le rêveur,
Ces rêves de difficulté à prendre le train sont en effet des rêves de réconfort face à un autre mouvement d’angoisse ressenti pendant le sommeil, l’angoisse de mourir. Partir en voyage est l’un des symboles de mort les plus fréquents. Le rêve dit alors en consolation : sois tranquille, tu ne vas pas mourir( partir)” de même que le rêve d’examen était rassurant à la veille d’un événement qui compte pour le rêveur : “cette fois-ci, non plus il ne t’arrivera rien, tu réussiras… “. La difficulté qu’il y a comprendre les deux types de rêve provient de ce que l’impression d’angoisse est précisément rattachée à l’expression de réconfort.”
C’est par ce procédé que le rêve est défiguré.
Trois points m’ont surtout intéressée.
Le premier : Est-ce que la crainte de rater son train peut recevoir la même explication que celle du rêve où on peut dire que la peur de rater son train se substitue à celle de le prendre, selon l’adage“ partir c’est mourir un peu”, son contraire est “ne pas partir, rater son train, c’est vivre.
Deuxième remarque, dans les commentaires de Freud concernant les rêves d’examen, il cite une phrase latine dont j’ai retrouvé la traduction et qui parle du jugement dernier.
“Dies irae / Dies illa / Solvet saeclum en favilla [Jour de colère / Que ce jour-là / Qui verra les siècles réduits en cendres].
Ainsi commence le Dies Irae, chant grégorien aux connotations sombres, évoquant la colère de Dieu, le retour du Christ et le Jugement Dernier de toutes les créatures de la Terre : un véritable chant de la mort.”
Derrière donc l’angoisse d’échouer, se trouve l’angoisse d’être condamné pour ses péchés, au temps du jugement dernier.
L’angoisse de mort est donc présente aussi bien dans ces rêves d’examen que dans les rêves de train.
Dans ces deux types de rêve Freud parle donc d’angoisse de mort et non pas d’angoisse de castration. Je me souviens que Jacy avait beaucoup travaillé sur ces deux types d’angoisse. Il me semble bien que dans ce texte retrouvé inédit sur les névroses de transfert, que Freud à propos de ces angoisses de mort, la nommait “angoisse de réel”.
Je me demande si par rapport à l’angoisse de mort, l’angoisse de castration n’est pas sa forme édulcorée. Perdre un organe est moins terrible que de perdre la vie.
Freud, dans un autre texte, Inhibition, symptôme, angoisse, faisait aussi référence au fait que ce qui correspondait pour les femmes au complexe de castration masculin, la peur de perdre son organe, c’est l’angoisse de ne plus être aimée. Mais les femmes ressentent aussi l’angoisse de perdre leur enfant et elle est la plus prégnante.
Il y a aussi je crois l’angoisse de mort présente au moment même de la naissance d’un enfant, pour l’enfant lui-même, sans doute, mais aussi pour la mère. Avec les progrès de la médecine, sans doute cette angoisse s’est-elle en partie allégée, mais ce n’est pas certain. Cette présence de la mort au moment même de la naissance doit être inscrite dans beaucoup d’histoires familiales. Ce fut le cas pour Marie Bonaparte. Sa mère mourut quelques jours après sa naissance, sans doute d’embolie pulmonaire (Cet événement doit avoir expliqué en grande partie sa frigidité rebelle à toute analyse).
Ces rêves de difficultés à prendre le train peuvent nous mener fort loin de ce contenu manifeste. De plus cela m’a fait penser à la phobie des trains de Freud. Il devait bien connaître la question.
Ce que Freud écrit de ces rêves liés à l’angoisse de mort m’a fait penser à un événement que Jones décrit dans la biographie de Freud. Freud, en présence de quelques analystes mais surtout de Karl Jung, avait eu un malaise dans la salle à manger du Park Hôtel à Munich, il était tombé dans les pommes et en sortant de son malaise il avait murmuré “ Qu’il doit être bon de mourir !”
Karl Jung s’était intéressé à ce “petit morceau de névrose dont il conviendrait de s’occuper” et Freud l’avait vigoureusement envoyé sur les roses en lui répondant : “ Que chacun s’occupe de sa propre névrose avant de s’occuper de celle de son voisin !”
Ce commentaire de Freud ferait-il donc exception à l’angoisse de mort ou bien faudrait-il le traduire ainsi “qu’il doit être bon de le faire mourir, lui ! “ Le contexte du malaise, peut le suggérer.