Voilà nous en sommes à la page 232 du gardiner, celle où Lacan a été dénicher le terme de « forclusion » pour essayer de rendre compte du mécanisme spécifique de la psychose, ceci dans son séminaire « structures freudiennes des psychoses ». C’est donc assez dire que cette page est à travailler de très près dans le texte avant de pouvoir évaluer le parti que Lacan en a tiré. Je crois que ce que j’ai bien repéré dans ce texte, à cette nouvelle lecture, et ce qui est nouveau pour moi c’est le fait qu’on retrouve en quelque sorte redoublé ce en quoi le principe de non-contradiction n’avait pas été appliqué entre le refoulement et la forclusion, là encore le sujet n’avait pas choisi entre les deux mécanismes, tout comme entre le vagin et l’intestin.
Je reprends dans le texte :
« Quand l’attente excitée du rêve de Noël lui évoqua l’image de rapports sexuels entre ses parents, rapport naguère observé (ou construit), ce fut certainement l’ancienne conception de celui-ci qui apparut en premier, selon laquelle l’endroit du corps de la femme qui accueille le membre était l’orifice de l’intestin. Que pouvait-il avoir cru d’autre quand il faut à un an et demi spectateur de cette scène. Puis vint ce qui arriva de nouveau à quatre ans (son rêve des loups) Les expériences faites jusque-là, les allusions entendues à la castration, éveillèrent et jetèrent un doute sur la « théorie cloacale » rapprochèrent de lui la connaissance de la différence des sexes et du rôle sexuel de la femme […] il rejeta le nouveau (dans notre cas pour des motifs d’angoisse de castration – et s’en tint à l’ancien […] Non que la nouvelle soit restée sans effet ; tout au contraire elle développa une efficacité extraordinairement forte, en devenant le motif qui agit pour conserver le processus entier du rêve dans le refoulement et l’exclure du travail conscient ultérieur . »
Donc c’est cette partie de phrase que Claire avait soulignée l’autre jour et qui est particulièrement surprenante puisque en même temps cette existence de la blessure a été rejetée, sans être prise en compte, sans laisser aucune trace inconsciente, aucune trace mnésique et pourtant elle est la cause du refoulement.
Il y a donc bien à la fois rejet, forclusion mais aussi refoulement, les deux mécanismes, l’un orientant vers la psychose, l’autre vers la névrose (tout au moins selon la thèse lacanienne) non seulement coexistent ensemble mais sont en rapport l’un avec l’autre dans un rapport de causalité puisque ce qui est rejeté – l’existence de la blessure –est la cause même du refoulement.
Freud poursuit « Ce fut naturellement une contradiction, qu’à partir de là l’angoisse de castration put exister à côté de l’identification avec la femme, par le moyen de l’intestin, mais seulement une contradiction logique ce qui ne veut pas dire grand-chose. L’ensemble de ce processus est bien plutôt maintenant caractéristique de la manière dont travaille l’inconscient. Un refoulement ( Verdrangung) est autre chose qu’un rejet (Verwerfung). »
J’arrête là pour l’instant sur cette phrase décisive à partir de laquelle Lacan a élaboré ce qu’il en est de la structure de la psychose, avec ce terme de Verwerfung, de forclusion ou de rejet. Mais ce que on peut remarquer d’emblée c’est que pour l’homme aux loups, les deux termes de la Verdrängung et de la Verwerfung coexistent ensemble comme mécanismes et surtout que la castration était pour lui parfaitement prise en compte notamment dans son grand rêve d’angoisse celui des loups.
Ce n’est donc pas parce que Lacan a été repérer dans ce texte de l’Homme aux loups ce nouveau concept de la forclusion pour rendre compte des mécanismes de la psychose que L’Homme aux loups était pour autant psychotique. C’est ce point bien sûr qu’il va falloir démontrer et solidement. Je propose que nous suivions d’abord pas à pas les méandres de ce chapitre consacré à l’érotisme anal au complexe de castration et de retrouver ensuite, dans la foulée, les différentes occurrences de cette Verwerfung, rejet, dans le séminaire de Lacan, puisque justement notre approche du texte de Freud sera encore toute fraîche.
Du point où nous en sommes, en conclusion momentanée, nous pouvons toujours poser que dans l’histoire de l’Homme aux loups, tout comme il n’avait pas choisi entre l’intestin et le vagin, de même il ne choisit pas entre le refoulement et le rejet, les deux sont maintenus et coexistent ensemble alors qu’ils sont contradictoires c’est-à-dire ne peuvent être vrais ensemble. Si l’un est là, l’autre ne devrait pas pouvoir y être. Mais cela c’est du point de vue de la logique classique et non pas celui de la logique de l’inconscient.
C’est ce qui fait la singularité de cette analyse.
2 Comments
A ce props, Melman a développé la catégorie de récusation : yes, la castration existe, mais ça ne me regarde pas, j’en suis exempt. Cf. sur http://revel.unice.fr/oxymoron/index.html?id=3173, paragraphe 123.
Cher Bruno, je vais lire plus attentivement ce texte. Pour ce qui est de la récusation, je pense que c’est une façon de traduire le terme allemand de « Verleugnung » or c’est encore une autre forme de prise en compte de la castration par rapport à la Verdrangung ( refoulement) ou Verwerfung ( forclusion). Etablir la métapsychologie de chacun de ces termes n’est pas aisée mais passionnante. Liliane.