A propos de ces deux fantaisies oniriques de Renée, celle où elle avait l’un de ses deux seins transformé en verge et celle où elle avait une verge entre les deux seins, j’ai repensé à plusieurs choses, à propos de cette équivalence posée sein = pénis. p 59.
1 – Par rapport au texte de Bouvet. Je trouve qu’il mérite mieux que d’être simple support de l’élaboration théorique de Lacan concernant la névrose obsessionnelle, quelque soit par ailleurs l’importance de cette élaboration et son intérêt.
J’ai bien aimé la finesse de cette description clinique qui ramène à des fixations orales, les mêmes que celles de Dora, les symptômes de Renée avec la représentation d’une mère phallique :
« Une grande partie de l’agressivité déployée contre l’homme porteur du pénis ne prenait-elle pas sa source dans ses relations malheureuses avec celle-ci ?
Or, la suite de l’analyse devait démontrer qu’elle se faisait d’elle une représentation phallique et qu’elle lui attribuait un sexe dont le modèle lui avait été fourni par une expérience quotidienne : la vue d’animaux représentés certainement comme très forts et très dangereux.
D’ailleurs, s’il ne nous a pas été possible d’analyser à ce moment de façon complète les rêves où Renée voit ses seins transformés en pénis, cette transformation même n’indique-t-elle pas combien l’analogie est grande entre l’organe nourricier attribut essentiel de la puissance maternelle et celui de la puissance génitale ? Si elle voit ses propres seins transformés en pénis, ne reporte-t-elle pas sur le pénis de l’homme l’agressivité orale dirigée primitivement contre le sein maternel ? »
2 – J’ai repensé aussi à la conception de la scène primitive de Dora qu’elle exprimait par l’un de ses symptômes, la toux, celle de rapports sexuels par la bouche et à ce que Freud décrit de ce transfert possible de la pulsion orale à la pulsion génitale, par la représentation du pis de la vache jusqu’au sexe des animaux.
P.54 des cinq psychanalyses.
« Je suppose que personne ne contestera que la muqueuse des lèvres et de la bouche puisse être qualifiée de zone érogène primaire… L’activité intense et précoce de cette zone érogène est, par suite, la condition d’une « complaisance somatique » ultérieure de la part du tube muqueux qui commence aux lèvres. Lorsque plus tard, à une époque où le véritable objet sexuel, le membre viril, est déjà connu, s’établissent des réflexes qui accroissent à nouveau l’excitation de la zone buccale restée érogène, il ne faut pas faire de grands efforts d’imagination pour substituer à la mamelle originaire ou au doigt qui la remplaçait, l’objet sexuel actuel, le pénis, dans la situation favorable à la satisfaction. Ainsi ce fantasme pervers, tellement choquant, de la succion du pénis, a une origine des plus innocentes ; le dit fantasme est la refonte d’une impression qu’il faut appeler préhistorique, de la succion du sein de la mère et de la nourrice, impression qui plus tard fut ravivée quand on eu l’occasion de voir un enfant au sein. Le plus souvent c’est le pis de la vache, représentation intermédiaire qui sert à établir la transition entre le mamelon et le pénis ».
Il y a un des aspects de ce fantasme que Freud n’aborde par c’est celui du « cunilingus » il était peut-être trop scabreux pour son époque.
3 – Mais pour rester au niveau de l’équivalence entre le pénis et le sein, cela ouvre la perspective sur l’autre série d’équivalence décrite par Freud, celles qu’il a décrite comme une « équation symbolique » : merde, argent, cadeau, pénis et enfant dans son texte « destins et transpositions des pulsions plus particulièrement dans l’érotisme anal »
Il convient donc de rajouter à tous ces termes équivalents, celui du sein.
4 – Ce point 3, c’est-à-dire ce rajout du sein à la série des objets, permet en effet de déchiffrer un passage particulièrement difficile, je trouve, de Lacan dans le séminaire RIS sur ce qu’il appelle la « père-version du père », à propos du fait qu’un père n’a droit au respect sinon à l’amour que si le dit respect le dit amour est « perversement orienté, c’est-à-dire fait d’une femme objet petit a qui cause son désir. Mais ce qu’une femme en petit a-ccueille n’a rien à voir dans la question. Ce dont elle s’occupe c’est d’autres objets petits a qui sont ses enfants auprès de qui le père intervient pourtant pour maintenir dans la répression… la version qui lui est propre de sa perversion ».
5 – Ce qui m’a paru intéressant c’est le fait que pour une femme, il y a en quelque sorte glissement le long de cette longue équation symbolique qui marque le parcours féminin, du sein, objet petit a oral, à l’enfant, son objet petit a en quelque sorte privilégié.
Cela m’a donné envie de relire ce que Lacan avait écrit il y a très longtemps dans les complexes familiaux, du complexe du sevrage. Il en fait une sorte de matrice originaire dans lequel s’inscrit le destin de chacun.
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merci pour cet article,je me suis bien amusé des fois la psychanalyse ne pousse à penser à l’autre bout du miroir à voir l’ombre de la personnalité et non les mots mais les traces que laissent les mots