C’est le rêve d’une des analysantes de Freud, rêve dit des hannetons. Il le raconte dans l’Interprétation des rêves pour démontrer l’un des mécanismes de formation du rêve, celui de la condensation, mais c’est aussi le rêve d’une femme névrosée obsessionnelle et il nous révèle d’emblée beaucoup des composantes essentielles de la structure complexe de cette névrose
Il nous présente en peu de mots la rêveuse : « une dame déjà âgée soumise au traitement psychanalytique ». Elle souffre d’accès d’angoisse très pénibles et « comme il arrive habituellement dans ces cas, ses rêves présentent quantité de pensées d’origine sexuelle ».
Nous voici donc mis au parfum. Suit le contenu manifeste de ce rêve : « Elle se rappelle qu’elle a deux hannetons dans une boîte ; elle veut les mettre en liberté, parce que sinon ils vont étouffer. Elle ouvre la boite, les hannetons sont tout épuisés ; l’un d’eux s’envole par la fenêtre ouverte, l’autre est écrasé par le battant de la fenêtre au moment où elle la ferme, comme quelqu’un le lui demandait (manifestations de dégoût). »
En allemand, comme nous le rappelle le traducteur, hanneton se dit Maikäfer, mot à mot, c’est donc un « scarabée du mois de mai » Ce sont ces signifiants qui vont être à l’œuvre dans la construction du rêve et qui vont dévoiler un désir un peu inattendu.
Freud, d’associations en associations, se lance donc dans l’interprétation de ce rêve en prenant soin d’inscrire en italiques les mots qui se condensent dans le texte de ce rêve. Suivons pour cela ce que lui raconte cette analysante et tout d’abord ce qui a provoqué son rêve. La veille au soir elle a laissé une mite se noyer dans son verre d’eau sans lui porter secours. Dans le livre qu’elle lisait avant de s’endormir, il était raconté comment des enfants avaient ébouillanté un chat. Toutes ces associations évoquent de la cruauté envers les animaux et cela continue : sa fille, dans son jeune âge, lui avait demandé de l’arsenic pour tuer des papillons dont elle faisait collection.
Grâce à l’arsenic nous sommes maintenant entraînés avec Freud et son analysante beaucoup plus loin. Il écrit en effet : « L’arsenic demandé par sa fille lui rappelle les pilules d’arsenic qui, dans le Nabab, doivent rendre au duc de Morat la vigueur de sa jeunesse » et il précise alors que sa patiente est angoissée au sujet de son mari parti en voyage, qu’elle craint qu’il ne lui arrive malheur. et aussi que « toutes ses pensées inconscientes pendant l’analyse déploraient sa sénilité »
Pour préciser ce fait, il raconte comment quelques jours avant lui était venue une bien curieuse idée, à propos de son mari, alors qu’elle vaquait à ses occupations. Cette idée avait pris la forme d’un impératif « Pends – toi ! » Or « Quelques heures avant elle avait lu quelque part que lors de la pendaison se produisait une érection puissante. C’est le désir d’une semblable érection qui, refoulé, se traduisait sous cette forme effrayante ».
Pendaison, arsenic, cantharide obtenue en broyant les hannetons, ou les scarabées du mois de mai de son rêve, tout était bon pour provoquer une érection. Ce que Freud ne nous dit pas c’est à qui était adressé cet ordre. Ce « Pends-toi ! » n’était peut – être pas simplement adressé à son mari. Elle pouvait se l’adresser à elle-même en châtiment de sa faute.