Ce fantasme est une étape essentielle de ce que Lacan a appelé cette « phobie en marche ». Il est mentionné page 116 et 117 des cinq psychanalyses. Dans la nuit du 26 au 27 mars, donc plus de trois mois après le début de ses troubles, le père du Petit Hans rapporte ainsi ce fantasme de deux girafes :
Lui – il s’agit du Petit-Hans – Il y avait dans la chambre une grande girafe et une girafe chiffonnée, et la grande a crié que je lui avais enlevé la chiffonnée. Alors elle a cessé de crier, et alors je me suis assis sur la girafe chiffonnée. »
Le père est intrigué par cette girafe chiffonnée et lui pose des questions à ce sujet. Le petit-Hans joint alors le geste à la parole et prenant un papier il le chiffonne. Il fait de cette girafe, une girafe de papier. Elle perd donc tous ses pouvoirs de nuisance.
Cette girafe chiffonnée c’est lui qui l’enlève à la grande girafe, et c’est elle qui crie. On peut mettre ce fantasme en relation avec le fait qu’à Schönbrunn il n’avait pas voulu entrer dans le pavillon de la girafe et qu’il avait peur du grand fait-pipi de tous les animaux. Mais peut-être faut-il aussi le mettre encore en relation avec le fait que son père l’a informé de l’absence de phallus de sa mère. Par ce fantasme de la girafe chiffonnée peut-être symbolise-t-il cette absence de phallus que la mère. De ce qu’elle lui en a dit : « Bien sûr que j’ai un fait-pipi », on peut penser qu’elle ne le reconnaît pas facilement.
Ce qui laisse penser que cette piste est bonne c’est ce que Hans raconte à son père dans la suite de ce fantasme, le fait que sa mère « avait ôté sa chemise », il avait donc enfin pu ne pas le voir, ce fait-pipi.
Page 118 du texte, c’est le père qui se livre à une interprétation de ce fantasme et surtout la communique à son fils :
La grande girafe c’est lui, son père, et la girafe chiffonnée c’est sa mère. Il a beau crier, c’est lui, le Petit-Hans qui prend possession de sa mère -il s’asseoit dessus. Ce fantasme est une transcription de ce qui se passe de fait tous les matins, quand sa mère prend le Petit-Hans dans son lit sans tenir compte des paroles du père qui tente de le lui interdire ! ; « Crie tant que tu veux, maman me prendra quand même dans son lit et maman m’appartient ».
Freud cautionne cette interprétation. Les deux girafes sont son père et sa mère. A ce propos on peut également remarquer que Hans est encore dans la dénégation de l’absence de phallus de sa mère : « Dans le train, écrit le père, je lui explique le fantasme au girafes, sur quoi il dit « Oui, c’est vrai « et comme je suis la grande girafe et que le long cou lui a rappelé un fait-pipi, il réplique « maman a aussi un cou comme une girafe, je l’ai vu quand elle se lave son cou blanc. »
Dans une note, Freud cautionne cette interprétation. Mais il trouve qu’on ne peut pas demander au petit Hans de reconnaître le fait que les girafes sont aussi des grands pénis à cause du long cou.
Dans la séance du 27 février 1957 du séminaire de « La relation d’objet », Lacan trouve que ce fantasme des deux girafes est « fort mal interprété, on approche tout de même de ce dont il s’agit, et ceci est assez clair, du fait que le Petit-Hans s’asseoit dessus, malgré les cris de la grande girafe qui est incontestablement sa mère ». Freud et Lacan ne sont donc pas manifestement d’accord.