Nous en sommes p. 121 des Cinq psychanalyses. Freud décrit maintenant ce qu’on peut appeler les effets de son interprétation. Au cours de sa rencontre avec le Petit-Hans, Freud lui a en effet dit « Bien avant qu’il ne vint au monde, j’avais déjà su qu’un Petit Hans naîtrait un jour qui aimerait tellement sa mère qu’il serait par la suite forcé de d’avoir peur de son père, et je l’avais annoncé à son père. »
On ne peut qu’admirer l’élégance de cette formulation. Il présente en effet cette interprétation comme une histoire, comme un conte pour enfant. Il joue au magicien ou un devin. L’essentiel porte sur le fait que ce ne sont pas des chevaux dont le Petit Hans a peur mais de son père.
En haut de la p.121, Freud nous annonce ce qui va se passer à la suite de cette interprétation : « A partir du jour de cette consultation, je reçus des rapports presque quotidiens relatant les changements survenus dans l’état du petit patient. On ne pouvait s’attendre à ce que ma communication l’eut délivré d’un seul coup de son angoisse, mais il devint visible que la possibilité lui était maintenant donnée de mettre à jour ses productions inconscientes et procéder à la guérison de sa phobie. A partir de là il réalisa un programme que je fus à même de prédire à son père. »
Deux remarques à propos de ce passage :
C’est curieux le rôle de devin, de chiromancien que se donne Freud par rapport à cette analyse du Petit-Hans. Il est rare de plus qu’il affiche ainsi tellement de certitudes. Je pense que ce qu’il soutient fermement et ce par rapport à l’analyse d’enfant c’est l’assise solide que nous donne l’œdipe. Il peut en mettre sa main au feu qu’il s’agira dans toute analyse, de l’amour pour la mère et de la haine du père sauf que c’est un peu plus compliqué pour le sujet névrosé et qui a aussi décrit à côté de cet Œdipe positif, l’œdipe dit inversé ou négatif et de plus l’œdipe qu’il appelle complet, soit composé de l’œdipe positif et négatif. Cet Œdipe complet comportant à la fois, haine et amour pour la mère, haine et amour pour le père.
On peut en effet retrouver les traces de cet Œdipe complet dans cette analyse du Petit Hans. C’est d’ailleurs parce qu’il aime beaucoup son père qu’il refoule la haine qu’il éprouve pour lui. Ces différentes composantes de l’œdipe sont décrites dans les Essais de psychanalyse dans le chapitre Le moi et le Surmoi (idéal du moi).
Le petit Hans a « un programme à réaliser ». Ce programme quel est-il ? Il a été fixé de fait par l’interprétation de Freud à savoir que c’est de son père qu’il a peur et non pas des chevaux.
Ce programme il consiste à faire coïncider ses « productions inconscientes » avec l’interprétation que Freud a fait coexister pour lui, au niveau conscient. Il avait procédé de la même façon avec L’homme aux rats, quand dès les premières séances il lui avait dit combien dans son enfance il avait dû souhaiter la mort de son père. Ce que l’Homme aux rats avait bien sûr commencé par nier de toutes ses forces.
Ce programme à réaliser, c’est ce que Lacan a appelé « la tache psychanalysante ». C’est l’analysant qui travaille, même si c’est le psychanalyste qui s’y engage de son acte.
Cependant, même s’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour obtenir la guérison de sa phobie, Freud le constate, il y a une première amélioration : « Tandis qu’auparavant on ne pouvait l’amener à sortir pour un certain de la porte cochère et que chaque fois que des chevaux approchaient, il revenait en courant à la maison […] il reste cette fois une heure devant la porte cochère, même quand les voitures passent, ce qui devant chez eux arrive souvent. De temps à autre en voyant de loin venir une voiture, il retourne bien en courant à la maison, mais il rebrousse chemin, comme se ravisant. Quoiqu’il en soit il n’a plus qu’un restant d’angoisse et le progrès depuis les éclaircissements n’est pas à méconnaître ».