Ce rêve est le troisième de cette analysante hystérique « du type de l’eau qui dort » révélant qu’elle sait en effet à quoi peut servir une bougie, une bougie d’Apollon. Elle n’est donc pas si innocente que cela !
Voici le texte de ce rêve « Elle met une bougie dans le chandelier ; mais la bougie est cassée et ne tient pas bien. Les filles à l’école disent qu’elle ne sait pas s’y prendre ; et la jeune fille que ce n’est pas de sa faute ».
La veille elle a effectivement mis une bougie dans le chandelier mais elle n’était pas cassée. Freud indique « on a effectivement utilisé un symbolisme transparent. La bougie est effectivement un objet qui excite les organes génitaux féminins ; quand elle est cassée, qu’elle ne reste pas bien droite, cela signifie l’impuissance de l’homme ( que ce n’est pas de sa faute). »
Freud précise ensuite comment elle a pu avoir connaissance de cet usage de la bougie : au cours d’une promenade en barque sur le Rhin, ils avaient en effet entendu des étudiants en médecine chanter une chanson de salle de garde « Quand la Reine de Suède, tous ses volets fermés, avec des cierges Apollo…. » Son mari lui avait expliqué le sens de ces paroles.
La seule interprétation que nous donne Freud de ce rêve est celle-ci « le lien entre l’impuissance et l’onanisme est suffisamment évident » mais il complète en quelque sorte cette interprétation par le récit d’un second rêve (ce sera le quatrième rêve rapporté de cette jeune femme hystérique), rêve qui semble en effet apporter un démenti au contenu manifeste de ce rêve de la bougie qui ne tient pas bien.
Sous la rubrique V de ce chapitre, il écrit en effet « Pour qu’on n’imagine pas trop faciles les conclusions de qu’on peut induire de ces rêves quant aux conditions de vie réelles des rêveurs, j’ajouterai encore un rêve qui pareillement semble innocent et provient de la même personne. J’ai rêvé, raconte-t-elle, une chose que j’ai réellement faite dans la journée, à savoir que j’avais tellement rempli une petite valise de livres que j’avais de la peine à la fermer et je l’ai rêvé comme ça s’est réellement passé ».
Freud rapproche la valise des boites et des coffres « Il s’agit derechef d’une petite box qui été tellement remplie qu’il n’y entrait plus rien ». Elle avait été « comblée ».
Tous les rêves de cette jeune femme hystérique mettent en exergue des symboles phalliques, ceux du radis noir et des asperges, celui absent derrière son corsage dans le premier rêve ou celui de la bougie dans le second et peut-être du phallus en creux dans le dernier celui de la valise pleine à craquer.
Ce que dit Freud de ce symbolisme transparent nous incite à relire ce qu’écrivait Lacan dans les Ecrits, de la signification du phallus ( p. 690) « Le phallus dans la doctrine freudienne n’est pas un fantasme, s’il faut entendre par là un effet imaginaire. Il n’est pas non plus comme tel, un objet (partiel, interne, bon, mauvais …etc…) pour autant que ce terme tend à apprécier la réalité intéressée dans une relation. Il est encore moins l’organe, pénis ou clitoris, qu’il symbolise. Ce n’est pas sans raison que Freud en a pris la référence au simulacre qu’il était pour les anciens. Car le phallus est un signifiant, un signifiant dont la fonction dans l’économie intrasubjective de l’analyse, soulève peut-être le voile de celle qu’il tenait dans les mystères. Car c’est le signifiant destiné à désigner dans leur ensemble les effets de signifié, en tant que le signifiant les conditionne par sa présence de signifiant ».
On peut donc se poser la question de savoir si au travers de ces trois rêves cette analysante de Freud ne tentait pas ainsi d’élever ce phallus au rang de signifiant et que Lacan a spécifié d’être le signifiant du désir de l’Autre. On trouve même dans chacun de ces rêves la notion de voile, il y est caché, derrière le pantalon du boucher, derrière le bouton de son corsage, et enfin derrière les volets fermés de l’avant dernier rêve.
Par rapport à ce que Lacan indiquait de la célébration des cultes phalliques comme simulacre, j’ ai trouvé sur internet cette jolie formule qui va comme un gant à ce qui est en question à propos du phallus : dissimuler, c’est cacher ce qu’on a, simuler c’est cacher ce qu’on n’a pas. C’est ce que fait cette jeune femme hystérique, au cours de sa séance d’analyse, quand discrètement, elle s’assure que son corsage est bien fermé.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Simulacre
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