Du désir insatisfait de l’hystérique au désir impossible de l’obsessionnel

 Liliane Fainsilber

 Dans cette séance du 14 mai 1958 Lacan commence une approche de la structure de la névrose obsessionnelle en prenant appui sur les trois textes de Maurice Bouvet qui méritent tous trois une lecture approfondie.

Ce sont respectivement, « Le moi dans la névrose obsessionnelle », « Importance de l’aspect homosexuel du transfert dans le traitement de quatre cas de névrose obsessionnelle masculine », « Les incidences thérapeutiques de la prise de conscience de l’envie du pénis dans la névrose obsessionnelle féminine ».

En fait Lacan effectue une première critique de cette approche clinique et théorique de la névrose obsessionnelle au titre de la relation d’objet. « La cure analytique tourne tout entière autour d’une incorporation ou d’une introjection imaginaire de ce phallus qui apparaît dans le dialogue analytique. » Autrement dit, le phallus de l’analyste est l’objet des convoitises de l’analysant qui souhaite l’avaler voire le dévorer. Ce serait donc un acte de cannibalisme.

A la lecture de ces trois textes, on repère aussi, par exemple dans celui de l’importance du transfert homosexuel dans quatre cas de névrose obsessionnelle, ce que Lacan avait déjà énoncé au début de ce séminaire des Formations de l’inconscient comment au troisième temps de l’Oedipe, c’est le père qui se fait préférer à la mère comme étant celui qui a le phallus. Ceci est tout à fait sensible cliniquement dans ces observations. Cet attachement homosexuel à l’analyste serait donc une étape nécessaire de l’Identification virile au père.

 D’autre part, dans chacune de ces observations, on retrouve aussi ce que Lacan avait décrit dans « Le mythe individuel du névrosé », le fait qu’en dehors du trio oedipien, en plus, il y a toujours un quatrième personnage. Ce personnage est à la fois un objet rival et un objet d’admiration. On le repère notamment dans la première des observations sous la description de ce qu’était pour l’analysant, un jeune séminariste. Il était pour lui, à la fois un personnage interdicteur et initiateur : «  E… était un jeune séminariste plein de zèle dont J… vanta pendant longtemps la pureté mais sur l’autorité du quel il insista immédiatement. E… condamna vigoureusement toute masturbation et fit tellement peur au malade que celui-ci y renonça totalement et complètement. Ses obsessions caractérisées firent alors leur apparition. Tout d’abord il ne s’agissait que de phobies : phobie de la souillure et de la damnation. Puis le pensée régressa au stade magique et les procédés secondaires de défense entrèrent en jeu. J… retrouvait dans E… toutes les qualités d’énergie, de dureté envers soi-même et les autres qu’il avait retrouvé chez ses grands-pères […] L’amnésie qui recouvrait la sexualisation des rapports de E… et de J… ne tarda pas à se lever, et J… se rappela que E… l’embrassait sur la bouche, qu’au début il répugnait à ce contact, puis en avait subi l’attrait. »

J’ai isolé ce fragment du texte de Bouvet pour mesurer comment Lacan réinterprète ce transfert homosexuel pour l’analyste avec l’aide du signifiant phallique qu’il déplace en différents points du graphe. De fait Lacan va inscrire la fonction de ce petit autre rival, ce petit séminariste, au niveau du fantasme, exactement au même point où il avait placé Monsieur K. pour Dora. De même, là où sur le graphe du désir de l’hystérique il avait inscrit un dx, Pour l’obsessionnel, il inscrit un d0, un d indexé zéro. Pour lui, en effet la névrose obsessionnelle est une « figure transformée de l’hystérie »

 Là où il inscrivait un d x, un désir énigmatique pour l’hystérique, à cette même place, pour l’obsessionnel il inscrit un désir évanescent, un désir sur le point de disparaître. Pour illustrer son propos il propose cette comparaison «  L’obsessionnel est un Tantale ». Les fruits de ses désirs lui sont à jamais inaccessibles.

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