Dans le texte de Dora, Freud nous dit qu’il n’avait pas réussi à se rendre maître à temps du transfert, à savoir que Dora avait bien l’intention de le quitter, de lui donner ses huit jours.
Dans ce texte de l’Homme aux rats, il l’explicite davantage et à plusieurs reprises, par exemple quand il écrit que c’est par la voie douloureuse du transfert qu’Ernst avait pu se convaincre de l’existence de sa haine inconsciente pour son père alors que consciemment il éprouvait pour lui beaucoup d’amour et de chagrin pour sa disparition.
Ponctuellement, il note aussi toutes les manifestations de transfert, dans la cure elle-même, et surtout dans ses rêves dits rêves de transfert par exemple lorsqu’Ernst l’appelle « mon capitaine », soit le capitaine cruel celui qui avait raconté le supplice des rats.
L’un des plus beaux est incontestablement celui de ces noces avec la fille de Freud. Il a l’intérêt de venir non pas devancer mais confirmer l’interprétation de Freud, à savoir que ce projet de mariage organisé par sa mère, souhaité par elle, était « la cause occasionnelle » de sa poussée de névrose actuelle en réveillant un ancien conflit.
Voici ce que Freud en écrit et ce que Ernst lui en répond par son rêve :
« Ce plan de sa famille réveilla en lui un conflit : devait-il rester fidèle à son amie pauvre ou bien suivre les traces de son père et épouser la jeune fille belle, distinguée et riche (elle a tout pour plaire) qu’on lui destinait ? Et c’est ce conflit- là, conflit au fond entre son amour et la volonté persistante de son père, qu’il résolut en tombant malade, il échappa à la tâche de résoudre ce conflit dans la réalité ».
Ernst apporte à Freud confirmation de son interprétation par ce rêve :
« Il revécut comme une chose nouvelle et actuelle – c’est ça le transfert – grâce à un fantasme de transfert – ce qu’il avait voulu oublier de son passé ou ce qui ne c’était déroulé en lui qu’inconsciemment. D’une période obscure et difficile du traitement, il résulta qu’il avait pris pour ma fille une jeune fille rencontrée un jour dans l’escalier de ma maison. Elle lui plût, il s’imagina que si j’étais aussi aimable et aussi extraordinairement patient avec lui c’était parce que je souhaitais le lui voir épouser et il éleva au niveau qui lui convenait la richesse et la distinction de ma famille ».
C’est dans ce contexte transférentiel que Freud nous livre le texte de ce rêve :
« Il voit ma fille devant lui, mais elle a deux morceaux de crotte à la place des yeux »
Pour ceux qui connaissent le langage du rêve, la traduction de celui-ci sera facile :
« Il épouse ma fille, non pas pour ses beaux yeux, mais pour son argent »
La simplicité de ce rêve, sa sobriété permet de saisir comment le rêve, tout comme le symptôme, est une métaphore. Ici il prend appui sur une locution usuelle, comme c’est souvent le cas, « ne pas faire quelque chose pour ses beaux yeux ». On s’attend toujours à avoir à payer une contrepartie, en argent ou comme on dit « en nature ».