Ce rêve introduit toute une catégorie de rêves typiques concernant la nudité. Il se trouve toujours dans le chapitre « Matériau et sources du rêve » p. 278. Il écrit : « Un jour je me suis épuisé à essayer de comprendre ce que pouvait bien signifier la sensation d’immobilisation, l’impression de ne pas pouvoir bouger d’un pouce […] dont on rêve si fréquemment et qui est si proche de l’angoisse. La nuit suivante je fais le rêve suivant : je sors en tenue très incomplète d’un logement au rez-de-chaussée et passe par l’escalier à un étage supérieur. Je grimpe trois marches à chaque fois, heureux de pouvoir monter des escaliers aussi agilement. Soudain je vois qu’une servante descend les escaliers et vient donc à ma rencontre. J’ai honte, voudrais me hâter, et c’est alors qu’intervient cet état d’immobilisation, je reste collé aux marches et ne bouge pas d’un pouce ».
Le contenu manifeste du rêve rejoint donc les préoccupations théoriques de Freud concernant l’inhibition. Mais il rejoint aussi la réalité de sa vie quotidienne : La veille au soir il avait en effet parcouru les escaliers qui séparaient son bureau de sa chambre à coucher en tenue négligée : il avait enlevé en effet son faux col et ses manchettes. Et c’est là en effet qu’il avait rencontré une servante de la maison. Il s’était senti honteux et avait été cloué sur place.
Mais une deuxième scène de sa vie quotidienne se retrouve aussi dans son rêve, il se rend deux fois par jour, il rend chez une de ses patientes pour lui faire une piqure de morphine et quand il se trouve dans l’escalier de son immeuble, il crache par terre, prétextant le fait qu’il n’y avait pas de crachoir à chacun de ses étages. Là encore la servante de la maison lui manifestait sa désapprobation.
Le rêve en tant que tel n’est pas déchiffré. Cependant deux séries de signifiants sont isolés et rapprochés par Freud. A la fois la servante et la maîtresse de maison lui reprochent sa malpropreté.(pour Martha, c’est parce qu’il fume) : « La concierge ( Hausmeisterin), âgée, grincheuse, mais qui a le sens de la propreté, m’épie et quand je me suis conduit de cette manière, elle grogne de façon à ce que je l’entende… » La maîtresse de maison ( Hausfrau) lui reproche sa malpropreté.
Freud relie le fait de monter quatre à quatre les escaliers, c’est à dire de « voler dans les escaliers » et le fait de « cracher dans les escaliers ». Dans leur portée symbolique, ces deux métaphores sont en effet une représentation d’un acte sexuel .
Mais à propos de ce rêve, Freud n’a pas dit son dernier mot, il le reprend et l’interprète quelques pages plus loin ( p. 287 de la traduction Lefebvre) en le mettant en relation avec des souvenirs d’enfance avec une servante grincheuse qui l’accusait en effet d’avoir sali le tapis, au moment de l’apprentissage de la propreté. Il fait de plus, de ce rêve de nudité, un rêve d’exhibition.