J’ai travaillé ce rêve il y a bien longtemps, ce rêve qui peut être appelé « rêve des scarabées de mai ». Dans cette version, J.P Lefebvre le traduit par « rêve du hanneton » ( p. 331). Peu importe, ce sont des coléoptères. Il y a plein d’autres bestioles dans ce rêve, y compris la petite mite que sa fille laisse se noyer dans son verre d’eau sans la sauver de la noyade et la regrette amèrement le lendemain matin. Freud a souvent indiqué que pour l’inconscient, la vermine, les insectes, les petits animaux, rats, souris et autres représentent des petits enfants qui sont donc plus ou moins à faire disparaître.
Il nous présente en peu de mots la rêveuse : « une dame déjà âgée soumise au traitement psychanalytique ». Elle souffre d’accès d’angoisse très pénibles et « comme il arrive habituellement dans ces cas, ses rêves présentent quantité de pensées d’origine sexuelle ».
Nous voici donc mis au parfum. Suit le contenu manifeste de ce rêve : « Elle se rappelle qu’elle a deux hannetons dans une boîte ; elle veut les mettre en liberté, parce que sinon ils vont étouffer. Elle ouvre la boite, les hannetons sont tout épuisés ; l’un d’eux s’envole par la fenêtre ouverte, l’autre est écrasé par le battant de la fenêtre au moment où elle la ferme, comme quelqu’un le lui demandait (manifestations de dégoût). »
Freud utilise ce rêve pour montrer qu’à l’arrière-plan du texte du rêve, son énoncé se trouvent un incroyable fouillis d’associations, des fils qui s’entrecroisent et constituent une invraisemblable pelote de laine à débrouiller, une pelote dont le fil de départ est celui du « Käfer », hanneton ou scarabée de mai. Quelques lignes du rêve peuvent être accompagnées de plusieurs pages d’associations d’idées. Parmi elles, des éléments provocateurs du rêve, des souvenirs datant de différents périodes de sa vie, des références littéraires et donc des citations. Freud nous met aussi sur la piste de quelques uns de ses symptômes, qu’on peut qualifier d’idées obsessionnelles, le « Vieillard » prononcé en pensant à son mari, ou le « Pends-toi » qui l’avait tellement effrayé. Malgré cette grande abondance d’associations, Freud nous indique que l’analyse de ce rêve n’est que partielle et que donc il ne peut pas en donner le sens. Je trouve que ce rêve est surtout intéressant parce qu’il nous fait entrer dans l’intimité d’une névrose obsessionnelle féminine. Il serait à rapprocher de tout ce que raconte Lacan de la névrose de Renée, l’analysante de Maurice Bouvet, dans sa relation à sa mère, où tous ceux qui l’approchent deviennent en quelque sorte ses objets rivaux qui en tant que tels ne peuvent être que détruits.
On peut aussi y retrouver avec cette cruauté envers les animaux, ce que Freud appelle la régression et fixation sadique-anale spécifique de la N.O. A ce propos il y a en effet un signifiant que Freud met entre parenthèses, celui de « dégoût » à la suite du texte du rêve. Il est souvent associé en effet à la notion d’excrément. Le rappel de Freud : l’homme en se mettant debout a appris à lever haut le nez. Pourquoi le fait d’écraser un insecte peut-il provoquer le dégoût ? N’est pas la preuve que le sadique et lié à l’anal ? C’est une question.