Il est quand même curieux que Freud achève ce grand texte d’étude sur la névrose obsessionnelle dans les cinq psychanalyses, sur cette évocation des trois personnalités d’Ernst étant donné la difficulté de définir ce terme.
Je me suis replongée, à propos de ce terme, dans la thèse de Lacan, « de la psychose paranoïaque dans son rapport avec la personnalité, mais avec ce qu’il en raconte, nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge.
Le mieux est de commencer par repérer l’usage inusité quand même que choisit d’en faire Freud, car s’il parle de personnalité, c’est pour lui adjoindre deux adjectifs pour le moins inattendus à son propos, celui de « personnalité inconsciente » et celui de « Personnalité préconsciente ».
D’autre part il avance ce terme en indiquant la direction de nouvelles pistes de recherche quant à la névrose obsessionnelle :
« Les traits caractéristiques de cette névrose, qui la distinguent de l’hystérie, doivent être recherchés, à mon avis, non dans la vie instinctuelle, mais dans le domaine psychologique ».
C’est quand même surprenant cette phrase. Ce n’est pas dire pour autant qu’on peut affirmer que la vie pulsionnelle n’est pas en cause dans les mécanismes de cette névrose, mais elle est en quelque sorte commune aux deux névroses. Par contre c’est le domaine psychologique qui permet de différentier l’hystérie de la névrose obsessionnelle. Cette dernière s’exerce en effet avant tout dans le domaine de la pensée.
« Je ne puis quitter mon malade sans parler de l’impression qu’il faisait d’être scindé en trois personnalités : une personnalité inconsciente et deux personnalités préconscientes, entre lesquelles oscillait son conscient.
1 – sa personnalité inconsciente : « englobait des tendances précocement refoulées, qu’on pourrait appeler ses passions et ses mauvais penchants »
2 – l’une de ses personnalités préconscientes : « à l’état normal, il était bon aimait la vie, était intelligent, fin et cultivé »
3 – sa troisième personnalité : « dans une troisième organisation psychique il se révélait superstitieux et ascétique, de sorte qu’il pouvait avoir deux opinions sur le même sujet et deux conceptions de la vie différente. Cette dernière personnalité préconsciente contenait en majeure partie des formations réactionnelles à ses désirs inconscients, et il était facile de prévoir que, si a maladie avait duré plus longtemps, cette personnalité-là aurait absorbé la personnalité normale ».
Freud met en parallèle, la même scission, le même clivage, chez une autre de ses analysantes
Une personnalité « indulgente et gaie », une autre « déprimée et ascétique ». Sous cet autre, se cache son inconscient.
A quoi peut-on rattacher ces trois dites personnalités par rapport à ce que Freud élaborera plus tard, dans son au-delà du principe de plaisir ?
S’agit-il des différentes composantes du moi, celles qui s’édifient à partir de nombreuses identifications à des objets d’amour ou de haine et avant tout, aux objets oedipiens ? Il faut en effet se rappeler que le moi est en partie inconscient. Il s’agirait donc d’une première approche, d’une première description, au feeling, de ce qu’il appellera plus tard « clivage du moi ».
Ou bien alors ne s’agit-il pas plutôt d’une première mouture du moi, du ça et du surmoi. J’opterai pour cette seconde hypothèse.
Au ça correspondrait la première personnalité
Au moi sa seconde personnalité : il est bon et intelligent
Au surmoi, sa troisième personnalité, celle qui englobe ses formations réactionnelles à « ses mauvais penchants ».
J’ai commencé à lire ce que Lacan raconte de cette dite « personnalité » dans sa thèse, mais pour l’instant, je n’en ai pas tiré grand-chose, par rapport aux trois personnalités d’Ernst en tout cas.
Sauf ce qui concerne son titre « La psychose paranoïaque dans son rapport avec la personnalité », titre qu’il critiquera bien longtemps après, à la fin de sa vie, dans le séminaire du Sinthome, en posant comme équivalents ces deux termes « personnalité » et « paranoïa ».