Le second rêve de la femme agoraphobique (celle qui s’était fait un chapeau de paille avec les organes génitaux de son mari) ( Partie I)

Ce second rêve de la jeune femme agoraphobique se trouve p. 403 de “L’interprétation du rêve” (traduction J-P Lefebvre), sous ce titre de chapitre “ Le petit est l’organe génital – être écrasé par une voiture est un symbole de rapport sexuel”.

Voici le texte de ce rêve : “ sa mère fait partir sa petite fille afin qu’elle soit obligée d’aller seule. Elle est ensuite avec sa mère dans le train et voit sa petite aller directement sur les rails, où elle ne peut donc que se faire écraser. On entend les os qui craquent ( là elle éprouve une sensation désagréable, mais n’est pas vraiment épouvantée). Après cela elle se retourne depuis la fenêtre du wagon, en regardant si derrière on ne voit pas les morceaux. Puis elle fait des reproches à sa mère qui a laissé la petite partir toute seule.”

Les associations du rêve et les interprétations de ce rêve méritent d’être suivis ligne à ligne, parce qu’on y découvre donc dans ce chapitre sur le symbolisme dans les rêves qui a été rajouté en 1914, soit 14 ans après la première édition, les premières ébauches de l’élaboration freudienne du complexe de castration féminin. On y découvre à l’état naissant également, ce qu’il développera bien plus tard avec l’aide des analystes femmes, des étapes pré-oedipiennes de la sexualité féminine, dans la relation de la petite fille à sa mère.

Voici donc ce que Freud nous raconte de ce rêve en appliquant sa technique d’interprétation du rêve en le décomposant en ses éléments.

-Le voyage en train évoque le souvenir d’un séjour dans une clinique psychiatrique et comment lors de son départ le médecin qui l’avait accompagné lui avait offert des fleurs. Elle avait été gênée en présence de sa mère.
Elle avait été amoureuse de ce médecin (transfert), sa mère avait fait obstacle à sa vie sexuelle.
Freud écrit “ la mère apparaiît donc ici comme celle qui perturbe ses tentatives amoureuses, rôle qui avait effectivement été le lot de cette femme sévère pendant les années où elle était jeune fille”.

-Il analyse ensuite un autre fragment du rêve : “ Elle se retourne pour voir si derrière on ne voit pas les morceaux”. il indique que selon la façade onirique du rêve ou pourrait penser aux morceaux de la fillette or il n’en est rien. “ Cette idée va dans une toute autre direction”.
Il s’agit de fait des organes génitaux d’un homme qu’on peut voir par derrière et des organes génitaux du père.
C’est donc dans ce contexte qu’elle interprète elle-même que le petit est le sexe de l’homme et la petite son propre organe dont sa mère l’a séparée.
On peut même prolonger un peu plus cette interprétation de Freud dans le fil de Lacan, en repérant que cette petite fille de 4 ans est en effet son enfant phallus.

Freud, par rapport à ce premier repérage, en conclut que sa mère en l’obligeant à aller toute seule sans sa fille, l’entrave ainsi dans sa vie sexuelle.
ll commente ainsi cette interprétation “ Dans son imaginaire le fait d’aller seule dans la rue signifie ne pas avoir d’homme, pas de relation sexuelle ( Coïre =aller ensemble).
On trouve donc là la racine de son agoraphobie, celle qu’elle exprimait dans son autre rêve, avec ce qu’elle disait de son “angoisse de tentation”.

Freud ajoute à ce propos une petite indication concernant son histoire familiale : “ D’après ce qu’elle indique, elle a, étant jeune fille, souffert de la jalousie de sa mère du fait de la préférence que lui accordait son père.”
Ce détail a son importance, cette question de la jalousie de la mère par rapport à sa fille, dans ces relations de rivalité mère/fille par rapport au père. Je me demande si cela ne peut pas en quelque sorte perpétuer le rapport au père à savoir empêcher sa fille de quitter le port oedipien et faire d’elle une éternelle Antigone.

Suit alors une sorte de rupture dans l’interprétation de ce rêve, car Freud fait alors appel, pour pouvoir approfondir son interprétation, à un autre rêve dans lequel elle était alors identifiée à son frère. C’est là que Freud commence alors à décrire cliniquement; à l’aide même de ce rêve, ce qu’il appellera dans ses textes sur la sexualité féminine, la phase phallique de la petite fille, celle où au moins pour un temps, elle se prend pour un garçon, mais comme on dit pour un garçon manqué. Il me semble que là on voit bien, on a la démonstration, que cette phase phallique est liée à la relation à la mère, on est encore dans le pré-oedipe.

Je reprends les termes mêmes de Freud. Je les trouve un peu maladroits et même un peu cafouilleux, mais c’est précieux comme quelque chose de nouveau et d’inédit :

“L’interprétation approfondie de ce rêve résulte d’un autre rêve de la même nuit ( c’est important) dans lequel elle s’identifie à son frère. Elle était effectivement une fille du genre garçon manqué […] Pour cette identification avec le frère, il devient alors particulièrement clair que le petit signifie l’organe génital. La mère le (la) menace de castration, laquelle ne peut être rien d’autre que la punition pour avoir joué avec son membre […] Le deuxième rêve renvoie en outre à la théorie sexuelle infantile qui veut que les filles naissent par castration des garçons. Après que je lui ai exposé cette croyance en vigueur chez les enfants, elle en trouve immédiatement une confirmation dans le fait qu’elle connait l’anecdote où le gamin demande à la gamine ;” on l’a coupé ?” à quoi elle répond “ non, ça a toujours été comme ça”.

J’ai hésité sur le fait que ce commentaire paraît justifier quelque chose qui est aussitôt démenti par la gamine, mais c’est peut-être justement le propre de la croyance de comporter cette contradiction, celle du je sais bien… mais quand même.

Tout la démonstration de Freud aboutit au fait que dans ce rêve, cette dame agora-phobique reproche à sa mère de ne pas l’avoir fait naître garçon. Dans ses textes sur la sexualité féminine, ce reproche est doublé d’un autre, celui de ne pas lui avoir donné assez de lait.

Ce que Freud décrit là du parcours de cette analysante peut être rapproché de l’analyse de Dora, où dans ses rêves et ses symptômes, elle est identifiée, d’abord à son petit frère, par rapport à sa mère, puis à Monsieur K. par rapport à Madame K. Lacan nous dit que c’est en effet identifiée à lui qu’elle interroge les mystères de sa propre féminité dans l’image qu’elle a de Madame K.

 

 

 

 

 

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