Ce rêve a été choisi par Freud pour illustrer le fait que l’organe sexuel masculin peut aussi être symbolisé par des bâtiments. En fait ce qui m’a surtout intéressé c’est le sous-titre avec lequel Freud introduit cette question du complexe du père. La question se pose en effet de savoir s’il est équivalent ou non au complexe de castration.
Voici le texte de ce rêve qui figure toujours dans le chapitre sur le symbolisme dans les rêves et à la page 405 de la version J.P Lefebvre.
“ Il se promène avec son père dans un lieu qui est certainement le Prater, car on voit la rotonde, devant celle-ci, une avancée plus petite à laquelle est attachée un ballon captif, qui semble cependant dégonflé. Son père lui demande ce que c’est que tout ça. Il s’étonne de cette question, mais le lui explique. Ils arrivent ensuite dans une cour où est étalée une grande plaque de tôle. Son père veut en arracher un grand morceau mais avant cela il regarde autour de lui pour voir si quelque un ne pourrait pas remarquer la chose. Il lui dit qu’il n’a qu’à le dire tout simplement au surveillant et qu’il pourra alors en prendre sans plus de façons. De cette cour, un escalier conduit au fond d’un puits, dont les parois sont comme matelassées d’un mol capiton, un peu comme un fauteuil de cuir. Au bout de ce puits il y a une plateforme assez longue puis commence un nouveau puits…”
Freud indique que cet analysant a lui-même interprété le symbolisme de son rêve “ La rotonde dit-il est mon organe génital. le ballon captif devant est mon pénis dont j’ai à déplorer la mollesse”.
Il nous révèle ainsi la nature de son inhibition par rapport à ce que Freud appelle “le complexe du père” c’est semble-t-il une impuissance sexuelle.
Je trouve intéressant d’une part qu’elle se révèle, en tant que symptôme, dans le rêve lui-même et on peut de même se demander si dans ce rêve il ne nous en révèle pas également la cause dans ce que Lacan appelle, à propos d’Hamlet, “les péchés du père”.
En effet Freud indique que “ le rêveur est entré dans les affaires du père et s’est violemment scandalisé des pratiques pas très correctes sur lesquelles repose en partie le bénéfice.”
Cette remise en cause du père dans le rêve m’a fait au fait de savoir comment on doit se débrouiller à la sortie de l’Oedipe dans ses identifications au père quand on a un père délinquant ou criminel.
J’avais vu il y a longtemps un documentaire sur les enfants de nazis. Je crois me souvenir que c’était le fils de Goebbels qui vivait en Israël où il s’occupait de survivants de la Shoah dans des EHPADs.
Ce qui m’a surtout intéressé dans ce rêve c’est que c’est d’abord un exemple de rêve autobiographique fait, selon Freud, en cours d’analyse, et qui ne satisfait pas seulement ce qu’il en est du désir inconscient, mais qu’il est, au sens propre, un rêve traumatique qui tient compte de l’au-delà du principe de plaisir. Il met en scène la structure de la névrose de l’analysant.
A partir de ce rêve qui témoigne de son impuissance sexuelle, il bande mou, j’ai repensé à ce que Freud décrit de la passivité de Dostoïevski envers ses rivaux et ce que qu’il décrit aussi de la façon dont, dans le cas de composantes féminines importantes, le complexe de castration pousse le sujet vers des positions féminines passives à l’égard du père.
Ce que Freud appelle le complexe du père correspondrait au temps trois de la traversée de l’Oedipe selon Lacan, celui où le père réel doit se faire préférer à la mère comme étant celui qui a le phallus. Encore faut-il qu’il en fasse la preuve.
Ce dont témoigne cet analysant par son rêve, c’est la difficulté de son identification au père avec ce que Freud appelle, pour le sujet névrosé, l’Oedipe inversé ou plus exactement l’Oedipe complet, c’est à dire que le père est à la fois un objet d’amour et un objet de haine. C’est de l’hainamoration selon le mot forgé par Lacan.