C’était un jour de grandes manœuvres – Le texte de l’Homme aux rats

 

Début du récit de la grande obsession des rats

Au cours de cette deuxième séance, Ernst va se décider à parler de ce pourquoi il est venu, ce qu’on appellera sa grande obsession des rats. Elle se trouve décrite dans ce qu’on a nommé Journal d’une analyse.

Au cours de ce récit plusieurs fils vont venir d’entremêler en un écheveau difficilement compréhensible, tout au moins en ce début d’analyse, et il faut toute la patience et la vive intelligence de Freud pour arriver à s’y retrouver. C’est l’intérêt de ce compte-rendu des séances de pouvoir en suivre le récit tel qu’il s’est présenté, avec ses incohérences et ses parties élidées et surtout l’apparition d’une flambée de transfert, où Freud devient, même s’il ne le souhaite pas tellement, dès cette seconde séance, le « capitaine cruel ».

 

Je vous propose trois fils à suivre pour débrouiller cet imbroglio :

 

1 – Tout d’abord la présence toujours sous-jacente de sa crainte qu’il n’arrive quelque chose à son père et à sa Dame. Puisque c’est elle qui va trouver, dans ces événements extérieurs, de hasard,  un aliment inattendu mais très riche en rebondissements de toutes sortes.

2 – La perte de ses lorgnons

C’était un jour de grandes manœuvres. Et au cours d’une pause pendant cette longue marche militaire, il a perdu ses lorgnons, dans le texte, il s’agit de  « son pince-nez ». Au lieu de prendre le temps de le rechercher, il le commande à son opticien à Vienne, opticien qui doit les lui envoyer par la poste.

Une fois ce colis arrivé, la demoiselle de la poste le prévient et cet événement va s entremêler de façon fort complexe avec le récit que fit, au cours de cette même pause, un officier qui va être nommé « le capitaine cruel ».

 4 – Le supplice des rats, tiré d’un roman d’Octave Mirbeau qui a pour titre « Le jardin des supplices ».

Il est donc raconté, pendant cette même pause où Ernst a perdu ses lorgnons, par un officier qui prône le retour dans l’armée des châtiments corporels. L’analysant en déduit qu’il aimait la cruauté. Et alors qu’il avait raconté avec beaucoup de facilité et sans aucune gêne apparente ses souvenirs sexuels de l’enfance, là il hésite beaucoup et n’a aucune envie de raconter en détails à Freud ce supplice.

Il consiste donc à introduire dans l’anus du supplicié deux rats affamés. Aussitôt l’idée lui vient qu’ « on » pourrait appliquer ce supplice à sa dame.

 C’est à partir de là que tout se complique car les deux événements, la réception de son « pince-nez « et le supplice des rats dont ses objets d’amour pourraient être victimes, vont de mélanger ensemble d’une façon qui au début peut paraître tout à fait inextricable.

Pour déchiffrer cette obsession et surtout en débrouiller les fils, c’est là que ce que Freud a déjà élaboré de la structure de la N.O. ( dans les neuro-psychoses de défense et les nouvelles remarques sur les neuropsychoses de défense )  nous sera très utile avec ce qu’il appelle « les formations réactionnelles », c’est à dire la façon dont le sujet tente de se défendre contre ces représentations inconciliables qu’il désapprouve au plus haut point mais qui, elles ne comptent pas pour autant rester refoulées et insistent pour avoir droit de cité quand même. C’est cette lutte sans merci que l’Homme aux rats va décrire à Freud. Bien sûr ce n’est qu’un tout  premier repérage du contenu de cette deuxième séance. N’êtes-vous pas frappé par le fait qu’aussi bien l’un que l’autre, dès ces deux premières séances,  ne perdent pas leur temps en bavardage et vont tout de suite droit au fait.

Et voici que de par la force du transfert, Freud, à son corps défendant, occupe la place du Capitaine cruel.

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