1 – Lacan et les cinq psychanalyses

 Il n’existe pas de sténotypies des trois premiers séminaires de Lacan (ceux avant les Ecrits techniques de Freud), on sait qu’ils avaient été consacrés aux commentaires de trois des cinq psychanalyses, celle de Dora, de l’Homme aux rats et de l’Homme aux loups. Cependant restent, pour Dora, le texte des Ecrits, « Intervention sur le transfert », pour L’homme aux rats, « Le mythe individuel du névrosé ». Quelques notes existent témoignant du séminaire consacré à l’Homme aux loups, notes prises par ses auditeurs. on en retrouve quelques traces dans les séminaires qui suivent, ceux des Ecrits techniques et du moi dans la théorie analytique ainsi d’ailleurs que dans les séminaire des Psychoses à propos du concept de la forclusion.

Ce n’est qu’avec ce dernier séminaire, celui des Psychoses, qu’il entreprend une lecture des mémoires du Président Schreber ainsi que du texte que Freud lui avait consacré. Enfin c’est dans « la relation d’objet » qu’il aborde pour la première fois la lecture de l’analyse du Petit-Hans. Elle nous réserve dès le départ bien des surprises et notamment celle-ci : alors que pour Freud l’angoisse du Petit-Hans est liée à sa nostalgie de l’objet maternel, donc à son désir pour sa mère, Lacan inverse radicalement son approche en liant son angoisse non pas à son désir pour sa mère, mais au désir de sa mère, c’est à dire qu’il met l’accent sur le génitif non plus objectif mais subjectif (les grammairiens donnent deux exemples de ce double sens celui de « un désir d’enfant » ou « la crainte des ennemis »).

 Lacan aborde sa lecture du Petit-Hans dans les séances du 27 février et du 6 mars 1957. Dans la première séance, il évoque le trait clinique de la girafe chiffonnée, dans la seconde, il reprend toute l’histoire du fait-pipi du Petit-Hans.

Mais ce qui me paraît décisif c’est le renversement de son approche par rapport à Freud, là où Freud partait du désir libidinal du Petit-Hans pour sa mère, son désir de lui faire des câlins, Lacan évoque le brutal désir de sa mère, celui de combler son manque phallique. C’est elle la source de son angoisse.

 Et avec cet éclairage, on peut se demander ce qu’il en est de son premier rêve d’angoisse, inaugural de sa phobie : « Hans (quatre ans et neuf mois) se lève un matin en larmes et répond à sa mère, qui lui demande pourquoi il pleure « Pendant que je dormais, j’ai cru que tu étais partie et que je n’avais plus de maman pour faire câlin avec moi ». En principe cet énoncé est le contenu manifeste de son rêve et on aurait donc pu s’attendre à ce que Freud ait recherché son contenu latent à moins qu’il n’ait considéré que c’était un rêve d’enfant comme celui d’Anna Freud et qu’il s’inscrivait ainsi en clair comme désir inconscient. Si on prend en compte ce que nous dit Lacan, de l’importance du désir de la mère, un désir dévorant, on peut en effet faire l’hypothèse que le Petit Hans aurait été heureux de se débarrasser d’elle, en l’envoyant au Diable. Et que ses désirs de mort à son égard auraient été ce qui était plutôt la source de sa culpabilité et donc de son angoisse.

 

 

 

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