Psychanalyse

Un rêve de Freud alors qu’il est à la fois fatigué et affamé (rêve des knödel)

C’est un rêve de Freud, peut-être au moins aussi important que le rêve de l’injection faite à Irma, ou celui de la monographie botanique. Pour aucun de ces trois rêves, Freud ne nous livre le fin mot de leur interprétation, mais ils n’occupent pas du tout la même place dans l’ouvrage.

Les deux premiers étaient là pour démontrer que le rêve est la manifestation d’un désir refoulé, ce rêve des trois parques, comme tous les nombreux rêves de ce chapitre, a pour fonction de mettre en évidence le fait que dans le contenu manifeste du rêve il existe toujours une « allusion » à des souvenirs d’enfance .

Voici le texte du rêve : « Je vais dans une cuisine pour qu’on m’y donne un entremets sucré. Il y a là trois femmes, dont l’une est l’aubergiste, et roule quelque chose dans sa main comme si allait faire des knödel. Elle me répond qu’il faut attendre qu’elle ait fini (ces mots là ne sont pas très clairs). Je m’impatiente et je m’en vais vexé. J’enfile un pardessus ; mais le premier que j’essaie est trop long pour moi. Je l’enlève un peu surpris qu’il ait une garniture de fourrure. Un deuxième que je passe est garni d’une longue bande ornée d’un dessin turc. Arrive alors un inconnu à long visage et courte barbiche pointue qui m’empêche de passer en déclarant qu’il est à lui. Je lui montre alors qu’il est partout couvert de broderies turques. Il demande : en quoi ça vous regarde ces (dessins, bandes…) turcs. Après quoi nous sommes très aimables l’un envers l’autre. » ( p. 244, traduction J.P Lefebvre)

Le rêve des deux garçons qui se battent

C’est le rêve d’un homme adulte. Il fait partie des rêves qui mettent en relation le contenu manifeste du rêve avec un souvenir d’enfance, auquel ce contenu fait allusion. Il se trouve toujours dans le chapitre «  Matériau et sources du rêve » p. 241. Il y est en compagnie du rêve de l’établissement orthopédique et de celui que j’aime beaucoup, celui des chutes sur le Graben, le corso de la prostitution à Vienne.

«  Il voit deux jeunes garçons en train de se battre, deux jeunes tonneliers, comme il le déduit des instruments étalés alentour ; l’un des deux garçons a jeté l’autre par terre, celui qui est allongé a des boucles d’oreille ornées de pierres bleues. Il se précipite sur le malfaisant en brandissant sa canne pour le corriger. Celui-ci trouve refuge auprès d’une femme qui se tient près d’une palissade comme si c’était sa mère. C’est une femme de journalier, qui tourne le dos au rêveur. A la fin elle se retourne et le dévisage avec un regard affreux qui lui fait prendre la fuite, effrayé. Dans ses yeux on voit la chair rouge qui saille de la paupière inférieure. »

Le rêve de l’établissement orthopédique

Ce rêve du paragraphe II de ce chapitre « Matériau et sources du rêve » permet à Freud de démontrer comment dans le contenu manifeste du rêve on trouve toujours une « allusion » à un souvenir d’enfance, souvenir qui est toujours aussi à la source du rêve.

Voici le texte de ce rêve :

Elle est dans une grande pièce où il y a toutes sortes de machines, un peu du genre de celles se représente comme un établissement orthopédique. Elle entend qu’on lui dit que je n’ai pas le temps et qu’il faut qu’elle suive le traitement en même temps que cinq autres. Mais elle n’est pas d’accord et ne veut pas se coucher dans le lit – ou ce qui en tient lieu – qui lui est destiné. Elle reste debout dans un coin et attend que je dise que ce n’est pas vrai. Les autres pendant ce temps, se moquent d’elle en disant qu’elle fait des simagrées. – Avec ça : comme si elle faisait plein de petits carrés. »

Freud nous indique que la première partie de ce rêve est en lien avec l’analyse et concerne le transfert, la seconde partie concerne, elle, un souvenir d’enfance. C’est le lit qui fait le lien entre les deux parties.

A fleur d’inconscient (une série de podcasts)

Bienvenue sur ce site de podcasts «Une psychanalyse à fleur d’inconscient » Je m’appelle Liliane Fainsilber. J’ai exercé pendant près de vingt ans la médecine générale à Mantes la jolie, une petite ville de la vallée de la Seine qui était en ces années 70 très prospère. Après avoir fait une psychanalyse avec Jacques Lacan, je suis devenue psychanalyste. Je suis maintenant une vieille dame mais, comme je m’intéresse toujours à cette si surprenante invention de Freud, une de mes petites filles m’a suggéré, il y a quelques mois, d’enregistrer des podcasts pour y parler de psychanalyse, une psychanalyse que je souhaite légère et même gaie. Aussitôt dit aussitôt fait, autant profiter des occasions que nous offre le dit progrès. Je me lance donc dans cette entreprise. J’espère que vous la partagerez avec moi. Je partirai de cette question qui est importante à savoir que la psychanalyse ne peut pas seulement…

Quand Lacan parlait des femmes psychanalystes

En tant qu’une des anciennes analysantes de Lacan je me suis toujours intéressée à ce qu’il disait des femmes et notamment des femmes analystes. Certes, en première lecture, ces apartés sur elles peuvent paraître élogieux, voire très élogieux mais ils méritent une seconde lecture qui leur donne un autre éclairage, en tout cas plus nuancé.

.Au tout début de son enseignement, au cours d’une journée consacrée à l’enfance aliénée qui avait été organisée par Maud Manonni il avait affirmé ceci : « Que veut la femme ? est, on le sait, l’ignorance où reste Freud jusqu’au terme, dans la chose qu’il a mise au monde. Ce que femme veut, aussi bien d’être encore au centre aveugle du discours analytique, emporte dans sa conséquence que la femme soit psychanalyste-née (comme on s’en aperçoit à ce que régentent l’analyse les moins analysées des femmes). « 

Un dilettantisme sérieux

Dans l’un de ses textes, « Contribution à l’histoire du mouvement analytique », Freud rend compte des champs voisins conquis par la psychanalyse, de son extension à l’étude des religions, des mythologies, de la littérature et bien sûr extension aux modes d’organisations sociales, avec « Totem et tabou » et «Malaise dans la civilisation ».

Il semble que Lacan, à l’inverse de Freud, irait  plutôt chercher dans d’autres champs, des moyens pour explorer et rendre compte du champ de la psychanalyse lui-même. Le passage se ferait donc plutôt, de Freud à Lacan, de l’extérieur vers l’intérieur. Par exemple quand Lacan étudie la question du nom propre, il prend appui sur la linguistique, la logique, la topologie, et sur l’ethnographie, mais ramène tout ce qu’il en tire dans le champ même de la psychanalyse.

Contrôle ou supervision

Dans les temps anciens, ceux où j’ai commencé à exercer le métier de psychanalyste, les jeunes analystes travaillaient pendant  plusieurs années si je puis dire « sous contrôle ». Certes ce mot est plus que mal choisi. On  préfère quelquefois à ce mot de contrôle, surtout dans les pays anglo-saxons, celui de supervision. Enfin c’est le mot en usage pour indiquer le fait qu’à ses débuts, il est judicieux qu’un analyste  puisse parler de son travail avec ses analysants à un autre analyste. Il y a quelques années, nous avions proposé avec quelques amis analystes de débaptiser ce contrôle, pour tous les effets surmoïques qu’il pouvait provoquer en référence à cette période infantile de l’apprentissage de la propreté avec éducation des sphincters. A la place nous avions proposé le nom d’accompagnée. Le jeune analyste était accompagné dans ses premiers pas auprès de ses analysants, par un analyste plus expérimenté.…

D’énigmes en quiproquo et quolibets, le style de Lacan

Dans  » Fonction et champ de la parole et du langage « , l’un de ses premiers textes où il se risque à une approche linguistique de la psychanalyse, avec sa logique du signifiant, Lacan écrivait :  » La loi primordiale est donc celle qui en réglant l’alliance superpose le règne de la culture au règne de la nature livré à la loi de l’accouplement. L’interdit de l’inceste n’en est que le pivot subjectif, dénudé par la tendance moderne à réduire à la mère et à la sœur les objets interdits aux choix du sujet, toute licence n’étant pas encore ouverte au-delà.
Cette loi se fait donc suffisamment connaître comme identique à un ordre de langage. Car nul pouvoir sans les nominations de la parenté n’est à portée de d’instituer l’ordre des préférences et des tabous qui nouent et tressent à travers les générations le fil des lignées.  »

En relisant cette lumineuse citation de Lacan, en ce temps des premiers séminaires, je me demandais ce qui avait pu infléchir à ce point son style, au cours des années, quels transferts avaient ainsi modifié son mode d’adresse à ses auditeurs.

A propos de l’Homme aux rats

C’est en 1907 que Freud fit ses premières armes dans cette guerre sans merci que se livre l’obsessionnel. Avec l’Homme aux rats, il avait  réussi à pénétrer au cœur des combats de cette névrose. Tandis que la bataille faisait rage, faisant alliance avec son patient, prenant sa défense, il l’a aidé à lutter contre son grand délire obsessionnel, sa grande obsession des rats.
Je ne fais que l’évoquer ici : le double point de départ de cette obsession avait été d’une part, le récit fait par un « capitaine cruel» d’un vieux supplice chinois : On introduisait dans l’anus d’un condamné des rats affamés, d’autre part, une circonstance fortuite, il avait reçu un colis par la poste et devait en rembourser les frais non pas au capitaine comme il lui avait été dit par erreur mais à la demoiselle de la poste elle-même qui lui avait fait confiance.
Quelques heures après, lui était venue cette menace qu’il s’était   formulé à lui-même :  s’il ne rendait pas l’argent au capitaine alors son père et sa dame, des personnes qui lui étaient chères subiraient ce supplice des rats.
Freud a eu beaucoup de mal à déchiffrer cet écheveau très compliqué autour de cette dette à payer coûte que coûte,  mais dès cette époque il avait appris beaucoup de choses concernant la structure d’une névrose obsessionnelle.
Notamment, même s’il avait préféré laisser dans l’ombre, comme en attente, celle qui était l’objet de ces amours conflictuelles et à vrai dire l’enjeu même du conflit, à savoir sa mère, il avait déjà par contre bien repéré le rôle décisif qu’avait joué dans son scénario obsessionnel la haine qu’il éprouvait à l’égard de son objet rival, son père.

« Une forte imagination suscite l’événement »

Ainsi longtemps avant Freud, le sage Montaigne avait déjà découvert les mystères de l’identification, identifications aux symptômes de ceux avec qui on se sent en sympathie, mais aussi identifications viriles ou féminines au gré des désirs de ceux  qui nous ont mis au monde. Si comme il l’écrivait il se méfiait de cette force de l’imagination et prenait la fuite devant elle, il avait bien tort, car c’est tout d’abord elle qui fait toute la richesse de notre destin d’être humain, comme homme ou comme femme.

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