Psychanalyse

Comment Cécilia M. confia à Freud le secret de fabrication du symptôme hystérique

Le moment est maintenant venu de vous parler  de celle qui fut pour Freud une vrai Matahari venue des pays de l’inconscient, cette dénommée Cécilia M, celle qu’il appelait dans l’une de ses lettres à Fliess, « son seul maître es Hystérie ».

Alors que ce sont d’autres hystériques qui occupent le devant de la scène, parmi elles, Emma, Catharina ou Lucy, nous ne retrouvons sa présence discrète, mais pourtant essentielle, que dans quelques notes, et quelques pages, toujours donc un peu en marge de ces études sur l’Hystérie.

Il vaut pourtant la peine de la découvrir car Freud souligne le fait que de tous les cas qu’il a décrit, il a  pu rassembler à partir de son histoire clinique, les preuves les plus convaincantes du mécanisme psychique des phénomènes hystériques.

Quand les petites filles rêvent de la mort de leur mère

Je trouve que les analystes font beaucoup plus souvent état du désir de mort à l’égard du père que de celui à l’égard de la mère. En principe, selon la loi de l’œdipe, le désir de mort de la mère est attribué plutôt aux petites filles, en fonction de leur attirance pour le père qui leur fait considérer leur mère comme une rivale. Mais la mère est aussi celle qui interdit, qui porte atteinte à leur soif de liberté.

Donc dans ce chapitre « Rêves de mort à l’égard de personnes chères », après avoir décrit le rêve de la petite faiseuses d’ange, rêve où elle transforme tous les enfants de sa famille en petits anges tous partis au ciel, tous morts, Freud décrit un autre rêve mais cette fois-ci de mort de la mère.

On peut l’appeler rêve d’une petite fille surnommée « Œil de lynx ». En fait c’est une petite fille devenue adulte et en analyse avec Freud.

Il écrit «  Un jour je trouve une dame très affligée et en pleurs. Elle me dit :  je ne veux plus voir les gens de ma famille, ils ne peuvent être qu’épouvantés par moi. »

Voici le texte du rêve «  Un lynx ou un renard ( Luchs oder Fucks) se promène sur le toit, puis quelque chose tombe ou c’est elle qui tombe, et alors on ramène sa mère, morte, à la maison et alors elle se met à pleurer des larmes de douleur. »

Une grande déréliction de la fonction paternelle dans le champ social

Freud de son temps avait évoqué, dans l’un de ses ouvrages, les malaises de la civilisation. Nous  évoquons, nous aussi souvent, ces malaises de la civilisation à l’époque où nous vivons. Sont-ils tellement différents ? Une approche analytique peut certes en être tentée et notamment  avec ce terme que Lacan évoquait, celui d’une forclusion du Nom du père dans le champ social, ce qui est un terme très fort puisque cela fait référence à la structure de la psychose, il donne pour cause de cette forclusion  une  perte de la dimension de l’amour et notamment perte de ce qu’on peut appeler une perte de la dimension de l’amour de transfert.

Pour le démontrer (c’est dans le séminaire des non dupes errent)  il décrit la façon dont se monnaye ce Nom-du-père encore appelé par lui métaphore paternelle. Ce terme même de monnayage implique bien sûr tout un système d’échanges, pour ne pas dire de trocs.  Pour avoir la chance de pouvoir porter  le nom de son père,  je dirais de plein droit,  tout  passe par la parole de la mère. De ce monnayage, elle se trouve être en effet l’indispensable intermédiaire ou médiatrice. D’elle,  dépend la réussite ou l’échec de cette brûlante négociation.

Lacan le formule ainsi «  le défilé du signifiant par quoi passe à l’exercice ce quelque chose qui est l’amour, c’est très précisément ce nom du père qui est non, n, o, n, qu’au niveau du dire, et qui se monnaye par la voix de la mère dans le dire non d’un certain nombre d’interdictions ».

Rêves de nudité avec sentiment de gêne (rêves typiques)

Le rêve de Freud surpris dans l’escalier en tenue négligée par une servante introduit donc ce chapitre des rêves typiques avec un sous-groupe intitulé « le rêve de gêne pour cause de nudité ». Il en poursuit l’analyse dans ce chapitre. p. 282.  Avant d’interpréter son rêve, Freud rapproche donc ces rêves de nudité avec gêne du conte d’Andersen «  Les habits neufs de l’empereur ». Pour ma part j’ai eu un peu de mal à suivre sa démonstration avant de repérer que ce conte est lui aussi déformé comme l’est toujours le rêve . Ce qui fait un peu drôle c’est en effet que s’il pose que l’empereur est le rêveur, ce sont ceux qui regardent qui sont gênés et non pas l’empereur lui-même. C’est amusant de faire du rêve, l’escroc qui cherche à les tromper.

Il compare aussi ces rêves de nudité avec l’aventure d’Ulysse et de Nausicaa. Mais là c’est en somme un retour à l’enfance dans une période de détresse où on se retrouve tout seul sur une terre inconnue. Il se retrouve tout nu et en haillons (et donc sale) devant la belle Nausicaa qui lui apporte secours.

De l’objet perdu à l’objet a

Du texte de Freud à celui de Lacan

En 1895, au retour d’un de leur « congrès », Freud envoyait à Fliess un document sans titre qui plus tard a été nommé « Esquisse d’une psychologie scientifique » . En prenant appui sur l’arc réflexe, le couple stimulus réponse, il tentait de décrire de façon cohérente, scientifique, la structure de l’appareil psychique et de rendre compte de son mode de fonctionnement.

Entre perception et conscience, « comme on dit entre cuir et chair », Freud décrit un système psy, qui est le lieu où sont stockées, emmagasinées les traces mnésiques de l’objet, celles qui permettront de le rechercher au moment où le petit sujet en proie à la faim, sous la pression du besoin, alertera par ses cris une personne secourable qui seule pourra procurer à l’enfant les moyens de l’apaiser.
C’est ainsi que l’enfant rencontre, sous la forme de cet être secourable, sa première Autre, son Etrangère.

Et nous nous apercevons alors que ce système Psy, qui n’est autre que ce Freud appellera l’Inconscient, est constitué tout d’abord des traces mnésiques d’une expérience, l’expérience de la satisfaction, donc des traces d’une heureuse rencontre avec l’objet et de ses coordonnées de plaisir, mais aussi d’une épreuve dite « épreuve de la souffrance » quand cet objet vous fait défaut ou que dans cette quête de l’objet, se produit une mauvaise rencontre.

Le rêve de Freud à cheval, alors qu’il souffre d’un furoncle très mal placé

Freud analyse ce rêve avec beaucoup d’humour. Il souffre depuis plusieurs jours de furoncles. Un de ces furoncles de la grosseur d’une pomme se situe à la base du scrotum. Il a tenté de calmer les douleurs en y mettant un gros cataplasme. Ces ingrédients d’origine somatique se retrouvent dans son rêve mais n’en sont pas la cause. C’est ce que Freud tente de démontrer. Il se trouve en effet dans le paragraphe «  Sources somatiques du rêve » et dans le grand chapitre «  Matériau et sources du rêve ».

Voici le début du texte de ce rêve : «  Je monte un cheval gris, intimidé et maladroit d’abord, comme si j’étais simplement posé dessus. Je rencontre alors un confrère P. magnifiquement juché sur sa monture en costume de loden et qui me signale quelque chose ( sans doute que ma position sur le cheval n’est pas bonne). Je me trouve maintenant de plus en plus à l’aise sur ce cheval extrêmement intelligent, mon assise est confortable et je me dis que je suis parfaitement chez-moi là-haut. En guise de selle j’ai une espèce de rembourrage qui comble parfaitement l’espace entre l’encolure et la croupe du cheval… »

Le rêve du comte de Thun

Je désespère de pouvoir faire un compte-rendu un peu cohérent de ce très long rêve, le rêve du comte de Thun, ce sera à chacun d’aller le relire en gardant quand même à l’esprit ce jeu de mot sur le nom propre du comte de Thun que souligne Freud :  Pour se moquer de lui, on l’appelait « le comte Rien-Faire », le comte Nichthun, or le verbe « Tun », « faire » introduit ainsi à la trame même du rêve, il s’agit en effet du « faire » lié à l’apprentissage de la propreté et à la demande de la mère. Comme l’écrivait Freud dans l’une de ses lettres à Fliess, tu n’as pas idée de tout ce qui pour moi, tel un nouveau Midas, se transforme en merde. Dans le cas de ce rêve, c’est aussi en flots d’urine. (p. 184 de « L’interprétation des rêves » PUF et p. 248 de la traduction Lefebvre)

Définition de la structure dans le champ de la psychanalyse

Les trois structures

Les analystes pour se repérer dans leur propre travail parlent souvent de la structure d’une névrose, d’une psychose ou d’une perversion. Le repérage de cette structure leur est nécessaire car elle conditionne, dans le cours du long travail que l’analysant et l’analyste vont entreprendre ensemble, ce qu’on appelle conduite de la cure et aussi maniement du transfert. A ce titre, cette structure est donc une référence indispensable de la clinique analytique.

Au moment où le structuralisme était en vogue et que les philosophes l’opposaient à l’existentialisme, Lacan précisait, aux journalistes qui lui posaient souvent la question, ce que, lui, en tant que psychanalyste, mettait sous ce terme de structure et quel usage rigoureux il en faisait dans la champ de la psychanalyse. C’était en décembre 1966, au moment de la sortie de son ouvrage,  » Ecrits « . J’ai donc relevé quelques unes de ces occurrences.

Sur les amours de transfert

Dans son texte « observations sur l’amour de transfert », écrit en 1915, Freud décrit les mésaventures qui peuvent arriver à un jeune analyste inexpérimenté lorsqu’il se trouve aux prises avec les flambées de l’amour de transfert, amour qui  est provoqué par la situation analytique elle-même.  Il indique donc comment s’y prendre avec cet événement inévitable mais pourtant difficile à gérer.

« Parmi toutes les situations qui se présentent, je n’en citerais qu’une particulièrement bien circonscrite, tant à cause de sa fréquence et de son importance réelle que par l’intérêt théorique qu’elle offre. Je veux parler du cas où une patiente, soit par de transparentes allusions, soit ouvertement fait comprendre au médecin que, comme toute n’importe simple mortelle, elle s’est éprise de son analyste. Cette situation comporte des côtés pénibles et comiques et des côtés sérieux… elle est si complexe, si inévitable, si difficile à liquider que son étude est depuis longtemps devenue une nécessité vitale pour la technique psychanalytique ».

Un rêve de Freud, rêve des knödel (Suite)

Les souvenirs heureux et malheureux de Freud mis en lien avec son rêve

Nous en sommes toujours au chapitre « Matériau et sources du rêve ». Ce rêve trouve place dans la longue liste d’exemples où il démontre que dans le contenu manifeste du rêve on trouve toujours une « allusion » à un souvenir d’enfance. Cette fois-ci avec ce rêve, il décrit plusieurs souvenirs, les uns récents, les autres beaucoup plus anciens, le plus important étant celui où sa mère lui enseignait la parole biblique à savoir qu’on n’est que poussière et qu’on doit retourner à la poussière, l’année de ses six ans.

Je rappelle ici, le texte du rêve : « Je vais dans une cuisine pour qu’on m’y donne un entremets sucré. Il y a là trois femmes, dont l’une est l’aubergiste, et roule quelque chose dans sa main comme si allait faire des knödel. Elle me répond qu’il faut attendre qu’elle ait fini (ces mots là ne sont pas très clairs). Je m’impatiente et je m’en vais vexé. J’enfile un pardessus ; mais le premier que j’essaie est trop long pour moi. Je l’enlève un peu surpris qu’il ait une garniture de fourrure. Un deuxième que je passe est garni d’une longue bande ornée d’un dessin turc. Arrive alors un inconnu à long visage et courte barbiche pointue qui m’empêche de passer en déclarant qu’il est à lui. Je lui montre alors qu’il est partout couvert de broderies turques. Il demande : en quoi ça vous regarde ces (dessins, bandes…) turcs. Après quoi nous sommes très aimables l’un envers l’autre. » ( p. 244, traduction J.P Lefebvre)

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