Ce chapitre écrit par Ruth Mack Brunswick « Historique de la maladie actuelle » est un extraordinaire document clinique, il devrait être utilisé comme test pour mesurer les dons d’interprétation de celui ou de celle qui souhaiterait devenir psychanalyste – je plaisante bien sûr – par contre il important de souligner que pour s’y retrouver dans ce véritable imbroglio il est absolument nécessaire d’utiliser les trois registres lacaniens du réel, de l’imaginaire et du symbolique et notamment de les utiliser à propos de ces fantasmes de castration imaginaire que l’Homme aux loups essaie de faire réaliser dans le réel, par des opérations sur son nez ou sur ses dents, faute d’avoir pu effectuer, par rapport au désir de Freud, une vraie castration symbolique, castration qui consiste à séparer son désir du désir de l’Autre. En effet l’Homme aux loups est comme une mouche qui se débat en vain dans une immense toile d’araignée, celle du désir de Freud.
L’homme aux loups entre dermatologues, dentistes et analystes
Sur deux trois pages les déboires de l’homme aux loups à propos de son nez sont abondamment décrits, Ruth Mack Brunswick[1] ne nous épargne rien mais au milieu de ces nombreux détails j’ai repéré trois points qui ont attiré tout spécialement mon attention
Une maladresse de style comme formation de l’inconscient
Je vous propose à la lecture une petite formation de l’inconscient qui, je crois, n’a jamais été encore décrite : celle d’une maladresse de style qui n’est pas en mon honneur : Nous étions entrain de travailler, dans notre groupe de lecture des cinq psychanalyses, le début du texte de l’Homme aux rats. Freud essaie de décrire le mieux possible le grand délire obsessionnel de Ernst Lanzer, toutes les prouesses qu’il a du faire pour tenter de rembourser une dette qu’il n’avait jamais contractée au lieutenant A.
Objet partiel et « agalma » dans le séminaire du transfert
J’ai trouvé quelque chose qui précise bien où est, sur le schéma optique, ce qu’il en est de l’objet partiel – il dit expressément qu’il reste au niveau de ce qu’il appelle « l’enceinte narcissique » et que, par contre, l’agalma est du côté de l’objet aimé, celui que Platon et Lacan appellent l’éroménos, l’objet aimé. Donc l’un est bien du côté de i(a) et l’autre du côté du petit autre, en i'(a).
C’était un jour de grandes manœuvres – Le texte de l’Homme aux rats
Début du récit de la grande obsession des rats
Au cours de cette deuxième séance, Ernst va se décider à parler de ce pourquoi il est venu, ce qu’on appellera sa grande obsession des rats. Elle se trouve décrite dans ce qu’on a nommé Journal d’une analyse.
Au cours de ce récit plusieurs fils vont venir d’entremêler en un écheveau difficilement compréhensible, tout au moins en ce début d’analyse, et il faut toute la patience et la vive intelligence de Freud pour arriver à s’y retrouver. C’est l’intérêt de ce compte-rendu des séances de pouvoir en suivre le récit tel qu’il s’est présenté, avec ses incohérences et ses parties élidées et surtout l’apparition d’une flambée de transfert, où Freud devient, même s’il ne le souhaite pas tellement, dès cette seconde séance, le « capitaine cruel ».
Les trois raisons de sa révolte contre la religion (L’Homme aux loups)
Je piétine un peu sur les deux avant dernières pages de ce texte de Freud sur L’Homme aux loups (pages 262 et 263 du « gardiner ») dans lesquelles il traite des trois raisons de sa révolte contre la religion, la première nous l’avons vu, c’est la fixité de ses investissements libidinaux. Doit-on y lire ses fixations sadiques anales et donc sa haine du père et sa révolte contre lui. Oui, car nous les avons déjà trouvées décrites dans le corps du texte, notamment page 238 où Freud évoque sa révolte contre un Dieu cruel qui a été capable de laisser martyriser son fils et le laisser mourir sur la croix. Nous avons tous des souvenirs, au demeurant assez réalistes et effrayants de ces représentations du Christ, soit mort sur la croix, soit gisant, cadavérique, sur les genoux de sa mère. Cela donne aux enfants une bien curieuse idée de ce qu’on peut attendre de l’aide de Dieu le père et surtout de ce qu’est la nature humaine, encore que de ce côté-là ils puissent en savoir quelque chose venant d’eux-mêmes, de leurs propres fantasmes.
Animal totem et animal phobique
Dans ce chapitre de conclusion qui a pour titre « Résumés et problèmes » (L’homme aux loups dans les cinq psychanalyses, page 26O du gardiner), après avoir à nouveau évoqué la genèse de la phobie du papillon, Freud nous incite à avoir le courage d’avoir à affronter les conditions encore plus compliquées de la névrose obsessionnelle.
Le sadique et l’anal
Nous en sommes toujours au chapitre de conclusion qui a pour titre « Résumés et problèmes ».
Page 254 Freud énonçait ses intentions : « je vais tenter d’esquisser un survol synthétique de l’évolution sexuelle de mon patient ». Il a commencé par esquisser ce qu’il en était de la phase orale puis page 256 passe à l’organisation sadique anale. Ce qu’il y a d’un peu particulier dans cette évocation qui n’est pas nouvelle en elle-même, c’est la façon dont il décrit la transition entre la phase orale et la phase sadique anale
Sur Le courage du psychanalyste
Enfin la conclusion !
Cette dernière partie, partie IX, est intitulée « Résumés et problèmes ». Elle est elle-même divisée en trois parties. La première traite tout d’abord des difficultés d’exposition de ce cas, la seconde reprend en la résumant une vue d’ensemble de l’histoire de l’Homme aux loups, en fonction de la structuration progressive de sa névrose que l’on peut dire en gigogne, en son cœur, la phobie, puis l’hystérie et enfin la névrose obsessionnelle. La troisième partie évoque ce qu’il appelle les « schémas héréditaires phylogénétiques qui assurent comme des « catégories » philosophiques le classement des impressions de la vie ». Nous pourrons mettre, je pense cette partie en relation avec ce qu’il a écrit dans d’autres textes tels que Totem et tabou, ou encore, dans les Essais de psychanalyse, à propos du Surmoi.
Au nom du père du fils et du saint Esprit
Nous en sommes p. 222. Nous avons vu que Sergeï s’était identifié au Christ ce qui lui permettait de maintenir sa position masochique féminine par rapport au père. Cela lui avait permis aussi de se dégager de ses identifications féminines et de s’identifier à un homme.
Quant à ses relations à Dieu elles lui permettaient d’exprimer sa haine et sa révolte à l’égard du père. Elles se manifestaient par des symptômes obsessionnels, rituel du soir, celui des baisers aux icônes, blasphèmes « Dieu-Crotte » et « Dieu cochon » (p.221).