Le 6 juin L’homme aux loups répondit à la lettre de Freud[1] et à la question qu’il lui avait posé : avait-il vu avant ou après son rêve des loups, l’opéra La Dame du pique ? L’homme aux loups lui avait répondu du tac au tac en lui apportant deux nouveaux souvenirs de castration, l’un portant sur la castration des étalons, l’autre évoquant une intervention chirurgicale chez une parente ayant des orteils surnuméraires et qu’on lui avait enlevé. Ce registre de la castration n’est ni symbolique, ni imaginaire, elle porte sur le Réel.
La note de Ruth Mack Brunswick ou comment la vérité sort de la bouche des analysants
Au fond, les symptômes de Sergeï, son activité quasi-délirante à propos de son nez et de ses dents, se déploient entre deux repères de temps tous deux en rapport avec Freud, deux interventions de Freud, la première réelle, son opération sur la mâchoire pour tenter d’enrayer l’évolution de son cancer, la seconde une intervention psychique, là aussi dans le réel, celle qui avait consisté à lui demander par lettre et à nouveau des détails concernant son rêve des loups.
Les symptômes de l’Homme aux loups comme un appel désespéré à la castration symbolique
Ce chapitre écrit par Ruth Mack Brunswick « Historique de la maladie actuelle » est un extraordinaire document clinique, il devrait être utilisé comme test pour mesurer les dons d’interprétation de celui ou de celle qui souhaiterait devenir psychanalyste – je plaisante bien sûr – par contre il important de souligner que pour s’y retrouver dans ce véritable imbroglio il est absolument nécessaire d’utiliser les trois registres lacaniens du réel, de l’imaginaire et du symbolique et notamment de les utiliser à propos de ces fantasmes de castration imaginaire que l’Homme aux loups essaie de faire réaliser dans le réel, par des opérations sur son nez ou sur ses dents, faute d’avoir pu effectuer, par rapport au désir de Freud, une vraie castration symbolique, castration qui consiste à séparer son désir du désir de l’Autre. En effet l’Homme aux loups est comme une mouche qui se débat en vain dans une immense toile d’araignée, celle du désir de Freud.
L’homme aux loups entre dermatologues, dentistes et analystes
Sur deux trois pages les déboires de l’homme aux loups à propos de son nez sont abondamment décrits, Ruth Mack Brunswick[1] ne nous épargne rien mais au milieu de ces nombreux détails j’ai repéré trois points qui ont attiré tout spécialement mon attention
Les trois raisons de sa révolte contre la religion (L’Homme aux loups)
Je piétine un peu sur les deux avant dernières pages de ce texte de Freud sur L’Homme aux loups (pages 262 et 263 du « gardiner ») dans lesquelles il traite des trois raisons de sa révolte contre la religion, la première nous l’avons vu, c’est la fixité de ses investissements libidinaux. Doit-on y lire ses fixations sadiques anales et donc sa haine du père et sa révolte contre lui. Oui, car nous les avons déjà trouvées décrites dans le corps du texte, notamment page 238 où Freud évoque sa révolte contre un Dieu cruel qui a été capable de laisser martyriser son fils et le laisser mourir sur la croix. Nous avons tous des souvenirs, au demeurant assez réalistes et effrayants de ces représentations du Christ, soit mort sur la croix, soit gisant, cadavérique, sur les genoux de sa mère. Cela donne aux enfants une bien curieuse idée de ce qu’on peut attendre de l’aide de Dieu le père et surtout de ce qu’est la nature humaine, encore que de ce côté-là ils puissent en savoir quelque chose venant d’eux-mêmes, de leurs propres fantasmes.
Animal totem et animal phobique
Dans ce chapitre de conclusion qui a pour titre « Résumés et problèmes » (L’homme aux loups dans les cinq psychanalyses, page 26O du gardiner), après avoir à nouveau évoqué la genèse de la phobie du papillon, Freud nous incite à avoir le courage d’avoir à affronter les conditions encore plus compliquées de la névrose obsessionnelle.
Le sadique et l’anal
Nous en sommes toujours au chapitre de conclusion qui a pour titre « Résumés et problèmes ».
Page 254 Freud énonçait ses intentions : « je vais tenter d’esquisser un survol synthétique de l’évolution sexuelle de mon patient ». Il a commencé par esquisser ce qu’il en était de la phase orale puis page 256 passe à l’organisation sadique anale. Ce qu’il y a d’un peu particulier dans cette évocation qui n’est pas nouvelle en elle-même, c’est la façon dont il décrit la transition entre la phase orale et la phase sadique anale
Sur Le courage du psychanalyste
Enfin la conclusion !
Cette dernière partie, partie IX, est intitulée « Résumés et problèmes ». Elle est elle-même divisée en trois parties. La première traite tout d’abord des difficultés d’exposition de ce cas, la seconde reprend en la résumant une vue d’ensemble de l’histoire de l’Homme aux loups, en fonction de la structuration progressive de sa névrose que l’on peut dire en gigogne, en son cœur, la phobie, puis l’hystérie et enfin la névrose obsessionnelle. La troisième partie évoque ce qu’il appelle les « schémas héréditaires phylogénétiques qui assurent comme des « catégories » philosophiques le classement des impressions de la vie ». Nous pourrons mettre, je pense cette partie en relation avec ce qu’il a écrit dans d’autres textes tels que Totem et tabou, ou encore, dans les Essais de psychanalyse, à propos du Surmoi.
Au nom du père du fils et du saint Esprit
Nous en sommes p. 222. Nous avons vu que Sergeï s’était identifié au Christ ce qui lui permettait de maintenir sa position masochique féminine par rapport au père. Cela lui avait permis aussi de se dégager de ses identifications féminines et de s’identifier à un homme.
Quant à ses relations à Dieu elles lui permettaient d’exprimer sa haine et sa révolte à l’égard du père. Elles se manifestaient par des symptômes obsessionnels, rituel du soir, celui des baisers aux icônes, blasphèmes « Dieu-Crotte » et « Dieu cochon » (p.221).
Le porteur d’eau muet (toujours l’Homme aux loups)
Le porteur d’eau muet, substitut du père, tout comme Groucha l’était de sa mère
Au bas de la page 247, après ce trait long développement autour de sa phobie du papillon, Freud marque par un grand interligne le fait qu’il change de sujet, tout en étant toujours dans ce chapitre « Effets d’après-coup du temps originaire – Résolution ». Il inscrit dans ce temps originaire qu’il marque comme l’espace entre la scène primitive et la scène de séduction par Anna, la présence de ce porteur d’eau muet, comme substitut du père au même titre que Groucha avait été le substitut de la mère.