Freud

Le célèbre rêve de la belle bouchère

Le moment est venu de travailler le rêve de la belle bouchère. A vrai dire, comme je l’ai déjà beaucoup travaillé au fil de toutes ces années, j’avais peur d’en être un peu lassée à l’avance, mais avec Freud, les lectures sont toujours nouvelles, j’avais grand tort de le penser. Je l’ai lu et retravaillé avec un très grand plaisir

Ce rêve dit de la Belle Bouchère, figure avec quelques autres, dont le rêve de l’oncle Joseph, dans le chapitre IV de l’Interprétation du rêve, ayant pour titre, « La défiguration du rêve ».

Le rêve dit des services d’amour

Ce rêve ne figure qu’en note de l’interprétation du rêve1. Il a été rapporté par le docteur Hermine von Hug-Hellmuth et il est cité par Freud pour décrire ce qu’est la fonction de la censure dans la déformation du rêve. Il n’a pas été interprété mais il est malgré tout assez transparent.

Celle qui rêve est une femme de cinquante ans, veuve depuis douze ans d’un colonel de l’armée et dont l’un de ses fils est lui aussi dans l’armée.

Freud écrit « Pour effacer les passages qui lui paraissent choquants la défiguration onirique travaille dans cet exemple avec les mêmes moyens que la censure épistolaire. Celle-ci rend ce genre de passages illisibles en les recouvrant d’un large trait d’encre, la censure onirique les remplace par un marmonnement incompréhensible »

Rêves de soif

A l’orée de ce nouveau chapitre, chapitre III ayant pour titre « Le rêve est une satisfaction de désir » Freud devient lyrique. Il admire le paysage qui se présente devant lui, prend le temps de choisir les chemins qu’il empruntera, se réjouit surtout de l’exploit accompli. On le sent heureux et il y a de quoi  : « Quand au sortir d’un nouveau chemin creux on débouche soudain sur une hauteur où les chemins se divisent et où s’offrent au regard dans des directions différentes les perspectives les plus riches, on a bien le droit de se poser un instant et de se demander de quel côté on va d’abord tourner ses pas. Quelque chose de semblable nous arrive à présent, maintenant que nous avons passé le cap de cette première interprétation d’un rêve. Nous sommes dans la grande clarté d’une révélation soudaine». Arrivé au sommet, Freud admire le panorama qui se présente à lui.

Une vision d’horreur, la gorge d’Irma

Dans la séance précédente, celle du 9 février 1956, Lacan a commencé à lire ce rêve de l’injection faite à Irma avec l’aide du schéma L. Il inscrit ainsi sur l’axe imaginaire du schéma (du petit autre au moi), toute la première partie de ce rêve où Freud s’identifie avec toute la série des femmes puis des hommes qui ont été invités à discuter avec lui de l’état de santé d’Irma. sur l’axe symbolique (du grand A au S), Il inscrit ce qu’il appelle « sa conversation inconsciente avec Fliess, ce qui correspond donc à son auto-analyse. Nous avons donc là une première vue d’ensemble de la structure de ce rêve.

Dans cette seconde séance du 9 mars 1956, il indique : «  ce rêve nous allons le prendre avec notre point de vue de maintenant » et donc notamment avec la notion du signifiant et surtout avec les trois registres du symbolique, de l’Imaginaire et du Réel.

Lacan relit le rêve de l’injection faite à Irma avec le schéma L

Séance du 9 février 1955

Quand on commence à lire une séance du séminaire on ne sait jamais où elle va nous entraîner. Comme je voulais un peu replacer à nouveau ce rêve de l’injections faite à Irma, tel que Lacan s’y intéresse dans ce séminaire, je me suis aperçue qu’il prend cette question du rêve d’une façon inversée par rapport à celle de Freud.

Je m’explique, Freud commence par présenter matériellement ce qu’est l’interprétation d’un rêve, avec ce rêve de l’injection faite à Irma, avant même d’avancer son schéma de l’appareil psychique dans le chapitre VII du livre.

Lacan prend le chemin inverse, dans cette première séance qu’il consacre à l’analyse de ce rêve, celle du 9 février 1956, il  décrit  d’abord ce qu’il en est des différents temps d’élaboration de cet appareil de l’Esquisse à la Traumdeutung et s’arrête longuement sur les difficultés qu’a rencontré Freud pour rendre compte de l’état de conscience, ce qu’il appelle le système perception  conscience.  Il explique par une jolie métaphore, que ces appareils ne sont que les « premiers battements d’ailes de Freud » et que ce qui ne lui permettait pas de résoudre le problème c’est le fait qu’il n’avait pas encore pris en compte la question du narcissisme.

La forme figurative du rêve

Dans cette séance du 9 mars 1955 du séminaire « Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique analytique » Lacan reprend le rêve de l’injection faite à Irma, mais tout d’abord il apporte une précision importante concernant ce que Freud appelle « les images visuelles » et qu’il définit comme des perceptions ou encore à proprement parler des « hallucinations visuelles » qui surgissent dans les rêves. Lacan les remet en effet en question ainsi d’ailleurs que ce que Freud qualifie de régression. Il pense que Freud a été contraint d’émettre cette hypothèse en raison même des insuffisances du premier schéma de son appareil psychique, celui qu’il a inventé entre perception et conscience dans l’Esquisse. Il les remet en question en précisant qu’il ne s’agit pas de perceptions dans le rêve mais d’images, donc du « figuratif »  et à proprement parler de l’imaginaire. Selon lui «si le terme d’imaginaire avait pu être employé…

Notes sur le rêve de l’injection faite à Irma

Freud a fait précédé le rêve de l’injection faite à Irma, d’une sorte de préambule qu »il a appelé « Informations préalables ». Elles étaient en effet destinées à indiquer en quelles circonstances Freud avait fait ce rêve. Son ami Otto lui avait donné la veille des nouvelles d’Irma, l’une de ses analysantes. Elle n’allait pas très bien, selon lui, et se plaignait toujours de ses malaises. Ce qui a incommodé Freud au plus au point. Ce rêve de l’injection faite à Irma, est, selon son propre aveu, un rêve de disculpation par rapport à ce qui est arrivé à Irma, mais aussi et peut-être avant tout un rêve de vengeance, le problème étant de savoir quel en était la cible réelle. Était-ce bien ce pauvre Otto, le porteur de cette mauvaise nouvelle, ou bien le Dr M. ? C’est en tout cas eux qui en font les frais dans le contenu manifeste de ce rêve. Mais on ne sait quel en sera la vraie victime dans le contenu latent.

Une Initiation à la technique analytique

La deuxième partie de cet ouvrage, « L’interprétation du rêve », a pour titre «  la méthode d’interprétation du rêve ; Analyse d’un modèle de rêve ». Nous arrivons donc à la lecture du fameux rêve de l’injection faite à Irma, longuement depuis commenté par les analystes et notamment par Lacan dans le séminaire « Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la psychanalyse ». Mais auparavant, Freud, en quelques pages pose, avec brio et rigueur, ce qu’il en est de la règle analytique, celle de l’association libre. C’est dans le cadre de cette thérapeutique des symptômes qu’il replace en effet la théorie du rêve et les possibilités de son interprétation.

Ici vivent les rêves

Dans la partie E de cette « Littérature sur le rêve » intitulé « Les particularités psychologiques du rêve », Freud évoque en effet le lieu du rêve en prenant appui sur les études de G.T. Fechner. C’est ainsi qu’il nomme cette «autre scène du rêve » qui est celle de l’inconscient. Il explique en effet la différence entre la vie onirique et l’état de veille en supposant que «  le théâtre des opérations du rêve » n’est pas le même que « celui de la vie des représentations à l’état de veille ».

Voici la traduction de Lefevbre : « Fechner est d’avis que ni le simple abaissement de la vie psychique consciente en dessous du seuil principal, ni le retrait de l’attention par rapport aux influences de la vie extérieure ne suffisent à expliquer les particularités de la vie onirique face à la vie à l’état de veille. Il suppose au contraire que le théâtre des opérations du rêve lui aussi est un autre que celui de la vie des représentations à l’état de veille […] ce que Fechner veut dire par cette redomiciliation de l’activité psychique n’a sans doute pas abouti à quelque chose de bien clair. Personne d’autre que lui, que je sache, n’a poursuivi plus avant la piste qu’il suggère dans la remarque ci-dessus. Il faudra sans doute exclure une interprétation anatomique visant une localisation cérébrale physiologique voire faisant référence à la stratification histologique du cortex. Mais cette idée (celle de Fechner) s’avérera peut-être un jour à la fois sensée et féconde, si on la réfère à un appareil psychique construit à partir de plusieurs instances mises en action les unes après les autres. » p. 83.

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