Dans l’Interprétation des rêves Freud consacre un chapitre à la question de la symbolique. Il y écrit : « Quand on s’est familiarisé avec l’emploi surabondant de la symbolique pour figurer le matériel sexuel dans le rêve, on se demande si beaucoup de ces symboles ne sont pas analogues aux signes sténographiques pourvus une fois pour toutes d’une signification précise; on est tenté d’esquisser une nouvelle clef des songes d’après la méthode de déchiffrage. Il faut ajouter à cela que cette symbolique n’est pas spéciale au rêve, on la retrouve dans toute l’imagerie inconsciente, dans toutes les représentations collectives, populaires notamment: dans le folklore, les mythes, les légendes, les dictons, les proverbes, les jeux de mots courants : elle y est même plus complète que dans le rêve. Bornons-nous ici à dire que la figuration symbolique est au nombre des procédés indirects de représentation; mais qu’il ne faut pas la confondre avec les autres procédés indirects sans s’en être fait un concept plus clair ».
La condensation « Hearsing » dans le rêve de Freud, un voyage en bateau avec deux escales
Ce nouveau rêve de Freud (page 340) ne nous livre que des fragments d’association d’idées mais on voit cependant comment ces dites associations suivent les lois de cette « chimie des syllabes » qu’il évoque dans sa note. Le texte du rêve, « assez débridé », n’est pas donné, il s’agit d’une sorte de voyage en bateau, deux escales ont pour nom Hearsing et Fliess. On remarque que dans ce rêve il y a des noms propres, le sien, celui de Fliess et enfin celui de son confrère Bechterew. Mais dès qu’il y un confrère surgit son frère aussi.
La condensation de Hearsing est mise en gras dans le texte. Elle se décompose en Hearsay ( oui-dire et calomnie) qui le conduit vers la source occasionnelle du rêve tandis que C’est la deuxième partie de la condensation, la terminaison ING qui le mène à l’interprétation de son rêve par le biais de son association avec Fliess, Fliess-ing qui glisse du F vers le V, avec Vlissingen, port d’arrivée de son frère quand il vient les voir. Une fois traduit en anglais ce port devient un verbe « Flusching », rougir et de fil en névrose, nous tombons sur cet article de Bechterew qui a eu le don de contrarier Freud et de l’énerver.
L’hystérie ou « l’art de saisir le symptôme de l’Autre au vol »
Bienvenue sur ce site de podcasts » une psychanalyse à fleur d’inconscient ». J’ai choisi aujourd’hui de vous parler de l’hystérie et de sa place essentielle dans la psychanalyse. Dans un texte tardif de son enseignement qui a pour titre « Joyce le symptôme ». Lacan évoque l’hystérie de Socrate et de la façon dont il saisissait « le symptôme de l’autre au vol » mais tout en soulignant que, l’analyste, doit savoir, lui aussi, saisir le symptôme de l’autre au vol pour pouvoir l’interpréter. Il fait ainsi de Socrate, en une seule phrase, le modèle de tous les hystériques mais aussi de tous les analystes.
Je le cite : « Socrate, parfait hystérique, était fasciné du seul symptôme saisi de l’autre au vol. Ceci le menait à pratiquer une sorte de préfiguration de l’analyse. Eût-il demandé de l’argent pour ça au lieu de frayer avec ceux qu’il accouchait que c’eût été un analyste, avant la lettre freudienne. Un génie quoi ! Le symptôme hystérique, je résume, c’est le symptôme pour LOM de s’intéresser au symptôme de l’autre comme tel : ce qui n’exige pas le corps à corps. Le cas de Socrate le confirme, exemplairement ». Je trouve très belle cette expression de l’hystérie comme étant, en somme, l’art de saisir le symptôme au vol.
Le rêve de l’ancêtre du téléphone avec la condensation « tutelrein »
Voici le texte du rêve où cette condensation de mots est mise en exercice et sa présentation : « Un jeune homme chez qui une de ses connaissances a sonné tard le soir pour remettre une carte de visite, rêve la nuit suivante : un commerçant attend tard le soir pour régler le télégraphe domestique ( Zimmertelegraf). Après qu’il est parti, ça sonne toujours, non pas de manière continue, mais par à-coups isolés. Le serviteur va rechercher l’homme, et celui-ci dit : c’est quand même bizarre que même des gens qui par ailleurs sont tutelrein, ne s’y entendent pas à gérer ce genre de situation ».
L’analyse de Freud s’exerce à plusieurs niveaux. Il nous explique en effet que la cause occasionnelle du rêve, ce coup de sonnette de la veille, n’arrive en effet à la signification qu’en venant se substituer à une autre sonnerie celle du Zimmertelegraf. Freud évoque en effet un incident antérieur, celui où jeune garçon il avait empêché son père de dormir en renversant un verre d’eau sur les fils du télégraphe et avait déclenché ainsi une sonnerie continue.
Rêve du hanneton pour démontrer la condensation du rêve
J’ai travaillé ce rêve il y a bien longtemps, ce rêve qui peut être appelé « rêve des scarabées de mai ». Dans cette version, J.P Lefebvre le traduit par « rêve du hanneton » ( p. 331). Peu importe, ce sont des coléoptères. Il y a plein d’autres bestioles dans ce rêve, y compris la petite mite que sa fille laisse se noyer dans son verre d’eau sans la sauver de la noyade et la regrette amèrement le lendemain matin. Freud a souvent indiqué que pour l’inconscient, la vermine, les insectes, les petits animaux, rats, souris et autres représentent des petits enfants qui sont donc plus ou moins à faire disparaître.
Il nous présente en peu de mots la rêveuse : « une dame déjà âgée soumise au traitement psychanalytique ». Elle souffre d’accès d’angoisse très pénibles et « comme il arrive habituellement dans ces cas, ses rêves présentent quantité de pensées d’origine sexuelle ».
Nous voici donc mis au parfum. Suit le contenu manifeste de ce rêve : « Elle se rappelle qu’elle a deux hannetons dans une boîte ; elle veut les mettre en liberté, parce que sinon ils vont étouffer. Elle ouvre la boite, les hannetons sont tout épuisés ; l’un d’eux s’envole par la fenêtre ouverte, l’autre est écrasé par le battant de la fenêtre au moment où elle la ferme, comme quelqu’un le lui demandait (manifestations de dégoût). »
« Un beau rêve »
Dans ce chapitre VI, « Le travail du rêve », pour décrire ce qu’est le mécanisme de formation du rêve qu’est la condensation Freud prend appui sur trois rêves, le rêve de la monographie botanique qui lui sert en quelque sorte de modèle, puisqu’il est déjà interprété, et deux autres rêves qu’il va interpréter devant nous, celui intitulé « un beau rêve » et aussi le rêve d’une femme obsessionnelle, nommé « rêve du hanneton » ( Bientôt on ne saura même plus ce qu’est un scarabée ou un hanneton, ils auront tous disparu).
Ces deux rêves ont un grand intérêt parce qu’on voit comment Freud s’y prend pour analyser les rêves qui ne sont pas les siens. Comment il y intervient avec ses propres associations notamment.
De plus ce qui sert de fil de lecture de ces pages sur le travail du rêve, ses procédés de fabrication, ce sont ces vers de Goethe sur les mille et un fils d’un tissage :
« Une poussée du pied mobilise mille fils,
Et les navettes filent par-dessus, par-dessous,
Les fils s’écoulent sans qu’on les ait vus,
D’un coup mille liens entre les fils se nouent. »
Voici le texte de ce « Un beau rêve »
« Une voiture l’emmène, en nombreuse compagnie, dans la rue X. où se trouve une modeste auberge-pension ( ce qui n’est pas exact) Dans les pièces de celle-ci, on joue du théâtre ; il est tantôt public, tantôt comédien. A la fin on lui dit qu’il faut se changer pour revenir en ville. Une partie du personnel est commise aux pièces du rez-de-chaussée, l’autre envoyée dans les pièces du premier étage. Survient alors une querelle. Ceux du haut sont fâchés que ceux du bas n’aient pas fini et qu’ils ne puissent donc pas descendre. Son frère est en haut, lui est en bas. Fâché contre son frère qu’on soit pressé de la sorte. ( Cette partie n’est pas claire). On avait, au demeurant, dès l’arrivée, défini et réparti qui devrait être en haut et qui devait être en bas. Il monte ensuite seul la côte que la rue X. franchit en direction de la ville, et marche si lourdement, si péniblement qu’il ne bouge pas de l’endroit où il est. Un monsieur d’un certain âge vient l’accompagner en proférant des injures sur le roi d’Italie. A la fin de la côte il marche alors bien plus facilement.
Le transfert comme « transcription d’une langue dans une autre »
Le chapitre VI de l’Interprétation du rêve est intitulé « Le travail du rêve ». Dans les chapitres précédents, Freud partait toujours du texte du rêve, de son contenu manifeste pour tenter d’y retrouver ce qu’il appelle « les pensées du rêve ». Dans ce chapitre, il inverse la démarche, il part en effet des pensées du rêve pour décrire comment elles trouvent à s’exprimer et quels sont les mécanismes qui sont à l’oeuvre dans la formation du rêve, sa fabrication sous forme de rébus.Nous y retrouverons à la fois le rêve de la monographie botanique que Freud va utiliser à nouveau pour expliciter ce qu’est ce mécanisme du rêve de la « condensation », puis un nouveau rêve que Freud lui-même à intitulé « Un beau rêve ». Il est en effet très beau. Il y est question de pommes sur un pommier. Dans le bureau de Lacan, ses analysants avaient devant les yeux, allongés sur le divan, un petit tableau que j’aimais beaucoup, un pommier avec ses pommes dans une très verte prairie.
Un rêve de Freud, « orateur perpétuel faisant de l’obstruction au parlement »
Les rêves qui se trouvent dans ce nouveau chapitre, page 309 de la version J.P Lefebvre, ne sont là que pour mettre en évidence le fait que les rêves sont toujours égoïstes et sont des célébrations du Moi du sujet. C’est toujours lui le héros du rêve.
Celui que Freud décrit, page 310, rappelle un peu le rêve de la monographie botanique. Là encore c’est un livre exposé dans la vitrine d’un libraire qui provoque son rêve : « Le nom de la nouvelle collection est : orateurs (ou discours) célèbres, et le numéro 1 de la série porte le nom du docteur Lecher. » Comme ce fragment du texte est mis en italique, cela suppose que c’est le texte même du rêve. Il est donc très court.
Dans l’analyse de ce rêve, Freud s’étonne de l’intérêt qu’il porte à ce dénommé Lecher. Il le définit en effet comme « l’orateur perpétuel de l’obstruction allemande au parlement ». C’est donc un incorrigible parleur ou orateur mais qui ne le fait que pour empêcher les autres de parler. De fait, ce Lecher, c’est lui, Freud, obligé de parler plusieurs heures par jour avec de nouveaux analysants.
Le rêve de la « petite faiseuse d’anges »
Ce rêve sert d’exemple dans l’un des paragraphes de rêves typiques, des rêves de mort concernant des personnes chères. Tout comme le rêves de nudité doivent être accompagnés de gène, ceux de mort concernant les personnes chères doivent être eux aussi accompagnés de chagrin voire de larmes. Le désir exprimé dans ces rêves est bel et bien un désir de mort à l’égard de ces personnes pourtant aimées. Avant de présenter au titre d’exemple ce rêve de la petite faiseuse d’anges, Freud consacre deux ou trois pages à décrire ce qu’il en est de la jalousie infantile à l’égard des frères et sœurs et déploie toute une argumentation pour convaincre ses lecteurs de la réalité de ces désir de mort. « Bien des gens qui aujourd’hui aiment leurs frères et sœurs et se sentiraient dépossédés par leur disparition, portent à leur rencontre dans leur inconscient, depuis une période précoce, de méchants désirs qui arrivent à se réaliser dans les rêves.
Un rêve de Freud surpris en tenue négligée par une servante
Ce rêve introduit toute une catégorie de rêves typiques concernant la nudité. Il se trouve toujours dans le chapitre « Matériau et sources du rêve » p. 278. Il écrit : « Un jour je me suis épuisé à essayer de comprendre ce que pouvait bien signifier la sensation d’immobilisation, l’impression de ne pas pouvoir bouger d’un pouce […] dont on rêve si fréquemment et qui est si proche de l’angoisse. La nuit suivante je fais le rêve suivant : je sors en tenue très incomplète d’un logement au rez-de-chaussée et passe par l’escalier à un étage supérieur. Je grimpe trois marches à chaque fois, heureux de pouvoir monter des escaliers aussi agilement. Soudain je vois qu’une servante descend les escaliers et vient donc à ma rencontre. J’ai honte, voudrais me hâter, et c’est alors qu’intervient cet état d’immobilisation, je reste collé aux marches et ne bouge pas d’un pouce ».