Le moindre des petits rêves rapportés par Freud dans son grand texte L’Interprétation du rêve, donne accès aux questions cliniques et théoriques les plus brûlantes de la psychanalyse.
En témoignent par exemple ces deux rêves que Freud utilise pour indiquer comment tout ce qui est dit, à propos du rêve, sert à masquer son contenu latent mais, en même temps, le dévoile.
Ils illustrent certes son propos, mais également révèlent ce qu’il en est du complexe de castration qui est différent pour les hommes et pour les femmes et cet événement traumatique que constitue la découverte de la différence des sexes.
Nous en sommes toujours au chapitre « Travail du rêve » p. 373 trad. Jean-Pierre Lefebvre.
Quand il y a des trous dans le récit du rêve, quand quelque chose y manque
Une règle importante à retenir pour interpréter les rêves : tout ce qui accompagne le récit du rêve, ses commentaires, dévoile son contenu manifeste en même temps qu’il le masque.
Voici comment Freud le formule “ Les gloses sur le rêve, les remarques apparemment innocentes faites sur celui-ci servent souvent à voiler de la façon la plus raffinée qui soit un élément de ce qui a été rêvé, alors, qu’à dire vrai, elles le trahissent. Lorsque par exemple un rêveur déclare ici le rêve est estompé, et que l’analyse fait surgir une réminiscence infantile dans laquelle il épiait une personne en train de s’essuyer après défécation”.
Il en donne un premier exemple :
“ Un jeune homme fait un rêve très net, qui lui rappelle des productions imaginaires restées conscientes du garçonnet qu’il a été, il se trouve le soir dans un hôtel estival, se trompe de numéro de chambre et entre dans une pièce où une dame d’un certain âge et ses deux filles sont en train de se déshabiller pour aller au lit. Il continue : ensuite il y a quelques trous dans le rêve, là il manque quelque chose, et à la fin, il y avait un homme dans ma pièce qui voulait me jeter dehors et avec qui j’ai dû me battre.”
Deux rêves, l’un clair, transparent, net, et un autre, flou et confus
Nous travaillons toujours pas à pas, ce chapitre intitulé « le travail du rêve ». Nous en sommes à la page 372 et 373, où Freud nous présente deux rêves, l’un étant très précis, très net, l’autre, flou et confus. Freud pose avec l’aide de ces deux rêves, une sorte d’axiome qui rejoint bien ce que Lacan en avait décrit d’expérience, à propos du grand rêve immense du patient d’Ella Sharpe, à savoir que tous les commentaires faits par l’analysant à propos d’un rêve font déjà partie de son contenu latent. Ils sont en lien avec les pensées du rêve.
Cet axiome posé par Freud est le suivant « La forme du rêve ou de l’activité onirique est employée avec une fréquence tout à fait surprenante pour figurer le contenu caché. » Il en donne deux exemples qui sont difficiles à décrire car il ne nous donne pas le texte même de ces deux rêves.
Encore un rêve de désir de la mort du père
C’est un rêve très court et du même coup très intéressant pour saisir les mécanismes de la formation du rêve. Freud le cite pour montrer comment les inversions servent à la défiguration du rêve et surtout comment il peut y en avoir plusieurs dans le même rêve.
Voici le texte du rêve “ Son père le gourmande parce qu’il rentre si tard à la maison” ( Page 369 de la traduction Jean-Pierre Lefebvre) Chapitre Le travail du rêve.
L’identification ou la création d’images composites dans quelques rêves
A partir de ce que Freud décrit de ces “identifications” je me suis tout d’abord sentie un peu noyée dans ce chapitre. Mais j’ai commencé à me repérer beaucoup mieux quand j’ai remarqué que Freud ne fait que poursuivre sa démarche où après avoir étudié la façon de représenter dans le rêve, les relations de causalité, le “si… alors”, et celle de l’ambiguïté, le “ou bien… ou bien”, il passe maintenant à la similitude avec la conjonction “ Comme”.
le rêve de la Via, Villa, Casa Sezerno ( Partie 2)
Dans cette lettre du 28/4/97 ( numérotée 125 dans cette édition et 60 dans la Naissance de la psychanalyse), adressée à Fliess, Freud raconte ce rêve
“ Cette nuit j’ai fait un rêve qui se rapportait à toi. C’était une nouvelle par télégramme concernant ton lieu de séjour”. Un mot entre parenthèses précède l’adresse. Il n’est pas écrit nettement. C’est peut-être Venise. Il y a ensuite les trois mots Via, Villa, Casa suivis de Sezerno.
Il poursuit “Ma présentation indique ce qui apparaissait sans netteté et ce qui paraissait multiple. C’est Sezerno qui était le plus net. En même temps un sentiment d’agacement : tu n’es pas allé à l’endroit que je t’avais recommandé : Casa Kirch.”
Freud décrit alors ce qu’il appelle un “ compte rendu des motifs”. Je n’ai retenu de ces motifs que ceux qui concernaient l’agacement de Freud à l’égard de Fliess :
Le rêve de la Via ou Villa ou Casa Cezerno ( première partie)
le rêve tel qu’il est décrit dans l’interprétation du rêve
Ce petit rêve, tel qu’il est présenté par Freud dans l’Interprétation du rêve, ne paye vraiment pas de mine, mais en allant le retrouver dans les lettres que Freud avait envoyées à Fliess, tout au moins dans l’édition complète, il prend soudain beaucoup de relief. Car à l’arrière-plan de ce rêve se trouvent en effet toutes les hésitations, voire le trouble, éprouvés par Freud devant sa découverte du rôle que joue dans la névrose, ce qu’il appelle la séduction par le père pervers, avant d’y renoncer, pour décider que ces scènes originaires sont fantasmées à partir de choses vues et entendues. . Mais au moment de ce rêve et de celui de “ on est prié de fermer les yeux”, il croit encore à sa réalité. Il accuse même son père d’avoir abusé de l’un de ses frères et de ses plus jeunes sœurs.
Ce rêve Freud le donne à titre d’exemple pour indiquer que, lorsque il y a un “ou bien… ou bien” entre deux termes du rêve, dans ce cas là il faut remplacer cette conjonction par un “ et”, c’est-à- dire donner une égale importance aux deux termes qui sont l’objet de l’hésitation.
Exemple “ Dans le jardin ou dans la maison” doit être interprété comme “ dans le jardin et dans la maison”
« Le rêve avec des fleurs »
Ce rêve avec des fleurs se trouve dans la troisième partie du Travail du rêve, la partie C qui a pour titre “Les moyens oniriques de la figuration”. p. 351, à la suite de la partie A, la condensation et la partie B, le déplacement.(Traduction Jean-Pierre Lefevbre)
Il semble bien que jusqu’ici nous avions étudié plutôt la défiguration du rêve qui était nécessaire au franchissement de la censure, avec le déplacement, mais là il s’agit de sa figuration.
La figuration c’est en somme la mise en scène du rêve, la représentation dans le contenu manifeste des pensées du rêve, peut-être pourrait-on dire, l’invention du rébus chargé de représenter ces pensées. Freud nous explique que dans le matériel utilisé pour fabriquer le rêve, ne se trouvent pas les outils nécessaires pour représenter toute une série d’articulations logiques du texte du rêve, celles avec des Si, parce que, à moins que, ou bien ou bien, quoique…. Freud donne donc quelques exemples de la façon dont le rêve tente de remédier à cette impossibilité. Mais il nous indique aussi que c’est au rêveur de les restituer, une fois le rêve interprété.
Dans ce chapitre nous allons retrouver tout ce que Lacan a travaillé pendant de nombreuses années, une approche logique, avec ce qu’il a appelé le principe de non contradiction et également les liens de causalité, que Lacan a rapproché de l’implication, implication formelle et matérielle avec ses tables de vérité.
Ce rêve est essentiel à sa démonstration avec quelques autres.
Le travail de déplacement dans la formation du rêve
Dans le chapitre intitulé “Le travail du rêve”, une partie A est intitulée “Le travail de condensation”, et une partie B “ Le travail de déplacement”. Alors que dans cette partie A, Freud décrivait de nombreux nouveaux rêves où cette condensation était mise en oeuvre, pour cette partie B, Freud se contente de reprendre plusieurs rêves déjà analysés précédemment à savoir celui de la monographie botanique, Le rêve de Sapho d’un analysant de Freud, le rêve des hannetons, Le rêve de l’oncle Joseph et enfin le rêve de l’injection d’Irma.
Puis avec chacun de ces rêves il précise ce qu’est la fonction de ce déplacement dans la formation du rêve. Elle rend en quelque sorte le rêve anodin ce qui lui permet de franchir plus aisément l’obstacle de la censure.
Dans la plupart des rêves, les pensées latentes du rêve ne figurent pas explicitement dans son contenu manifeste. Elles n’y sont représentées que sous la forme d’allusions.
Le Rêve de Freud avec la condensation « Autodidasker »
Voici le texte de ce rêve « Une autre fois je fais un rêve fait de deux morceaux disjoints. Le premier est le mot « Autodidacsker », dont j’ai un souvenir vif, l’autre recoupe fidèlement une brève et innocente séquence imaginaire qui date de quelques jours et dont le contenu est que je dois dire au professeur N si je le vois sous peu « Le patient sur l’état duquel je vous ai consulté dernièrement ne souffre effectivement que d’une névrose exactement comme vous l’aviez supposé ».
Or cet épisode n’est là que pour introduire ce qui va permettre en effet l’interprétation du rêve en tant que, au cours de cette rencontre des jours précédents, ce même confrère lui avait demandé combien il avait d’enfants. Freud lui ayant répondu qu’il avait trois filles et trois garçons, il lui avait fait remarquer qu’à l’adolescence ses garçons risquaient de lui créer quelques soucis.
C’est le contexte de ce rêve. Une formule va l’illustrer que l’on retrouvera dans son contenu latent « Cherchez la femme ! » Elle viendra en effet constituer le nœud de ce rêve en rejoignant les associations qui venaient de la condensation « Autodidasker ».