Donc dans ce chapitre IV d’Inhibition, symptôme et angoisse, Freud évoque, au titre d’exemple clinique des liens du moi avec le symptôme, les deux phobies du Petit Hans et de l’Homme aux loups. La première phrase mérite d’emblée notre attention « Commençons par considérer le cas d’une phobie infantile hystérique d’animaux, par exemple le cas du « Petit Hans » ». La phobie est donc bien rangée dans l’hystérie, alors que nous avions déjà repéré, avec l’Homme aux loups, qu’il y avait toujours un soubassement hystérique à la névrose obsessionnelle. C’est ce qui apporte la preuve de l’existence d’une névrose en gigogne, la phobie en constituant le noyau sur lequel s’édifie l’hystérie puis la névrose obsessionnelle.
D’autre part, Freud indique d’emblée qu’il va utiliser ces deux exemples cliniques pour « s’orienter dans la recherche de la motion refoulée, de son substitut symptomatique et du point où on peut reconnaître le motif du refoulement.
« Le petit Hans refuse de sortir dans la rue, parce qu’il a l’angoisse du cheval. Tel est le matériel brut. Quel est ici le symptôme ? […] L’incompréhensible angoisse du cheval est le symptôme, l’incapacité d’aller dans la rue un phénomène d’inhibition, une limitation que le moi s’impose pour ne pas éveiller le symptôme d’angoisse. »
Je croyais qu’avec ces deux exemples cliniques nous allions être sortis de nos difficultés avec ce texte or il n’en est rien. Elles ne font au contraire que commencer.
D’une part, même si la motion qui est à refouler est la motion meurtrière de l’Œdipe, ce qui est véritablement refoulé, c’est sa conséquence, la peur d’une rétorsion de la part du père. D’autre part, sa phobie n’est pas simplement celle du cheval, mais celle d’être mordu par un cheval. Ce sont chacun de ces temps qu’il va essayer de reconstituer.
Donc premier point : La peur que le cheval le morde est le symptôme. Quel va être maintenant le motif du refoulement ? Freud se réfère alors à ce qu’il a découvert dans l’analyse du Petit Hans de « sa situation psychique » à savoir son ambivalence à l’égard de son père : « Il se trouve dans l’attitude oedipienne de jalousie et d’hostilité envers son père, qu’il aime cependant de tout son cœur, du moins tant que sa mère n’entre pas en ligne de compte pour causer la discorde ». Le conflit a lieu entre l’amour et la haine dont le père est l’objet. Le motif du refoulement serait donc ce conflit. Mais ce qui arrête Freud c’est le fait que la motion refoulée n’est pas, comme on aurait pu s’y attendre la motion meurtrière de l’Œdipe. Ce qui est refoulé c’est la crainte de la vengeance du père. Le symptôme est donc cette phobie des chevaux mais plus précisément la phobie d’être mordu par un cheval.
Freud tente alors de retracer le chemin parcouru entre cette hostilité vis-à-vis du père et la peur d’être mordu par un cheval, entre le motif du refoulement, la motion refoulée et son substitut symptomatique.
Pour le reconstituer, ce chemin, il invente un petit apologue, celui d’un serviteur amoureux de sa maîtresse. Il a des raisons de craindre l’hostilité du maître de maison. C’est tout ce qu’il y a de plus normal. Là où il y a névrose, c’est quand la peur du maître est remplacée par la peur du cheval : « Ce déplacement produit ce qu’on a le droit d’appeler un symptôme et constitue par ailleurs qui permet de résoudre les conflits d’ambivalence sans l’aide de la formation réactionnelle ».
Il y a donc selon lui deux méthodes pour résoudre le conflit entre l’amour et la haine envers le père, soit exagérer démesurément l’amour que le sujet éprouve – c’est une formation réactionnelle – soit garder l’amour pour le père et déplacer la haine et surtout la crainte de rétorsion éprouvées sur un autre objet, sur un animal, un animal totem.
Question qui se pose à Freud par rapport à l’apparition de cette phobie : La motion refoulée et donc l’apparition du symptôme ne sont pas ceux auxquels on s’attendrait : « La déformation que représente la formation du symptôme ne porte nullement sur le représentant (sur le contenu représentatif) de la motion pulsionnelle à refouler, mais sur un autre représentant, tout à fait différent du premier, qui correspond seulement à une réaction à ce qui est proprement déplaisant. Notre attente serait davantage satisfaite, si le Petit Hans, à la place de son angoisse du cheval, avait développé un penchant à maltraiter les chevaux, à les battre, ou s’il avait manifesté clairement le désir de les voir tomber à terre, se faire mal, éventuellement périr dans des convulsions (le tapage avec les jambes) ».
Au lieu de cela il a peur que le cheval le morde.
Il me semble que cette remarque de Freud concernant le contenu du refoulé, qui n’est pas la motion pulsionnelle sadique de l’enfant par rapport à son père mais le danger de rétorsion qu’il éprouve venant de lui et qui va se manifester sous la forme de ce symptôme, est ce qui constitue le point d’articulation entre la phobie du Petit Hans et celle de l’Homme aux loups.
Je cale un peu. Cette métapsychologie est difficile. A noter, que nous n’avons pas encore trouvé dans cette étude métapsychologique minutieuse la moindre référence à l’angoisse de castration même si elle y est sous-jacente et même affleurante. Je pense aussi que ce qui complique les choses c’est l’intervention de ce qu’est la régression associée au refoulement et c’est sans doute ce qu’il va avoir à démontrer dans les paragraphes qui suivent.