Dans son texte des cinq psychanalyses que Freud consacre à l’Homme aux rats, Freud décrit « quelques obsessions et leur explications » (p 220). Il en regroupe deux sous le terme de « compulsion au suicide ». La première est l’idée qui lui était soudain venue de se trancher la gorge avec un rasoir. La seconde celle de vouloir à toute force maigrir parce qu’il se trouvait trop gros. Il se mit à ne plus manger et à courir comme un forcené sous le soleil jusqu’au moment où son désir de suicide apparut clairement avec l’envie de se jeter au bas d’une falaise. Dans les deux exemples qu’il nous donne, et il me semble dans toutes les formes d’obsessions, il s’agit toujours d’une implication logique qui a cette structure : « Si …. Alors… » Dans cette implication logique, la première partie, celle qu’on appelle la protase (qui commence par si) est refoulée. Seule la seconde apparaît sous forme de l’obsession proprement dite : «si …, alors je dois me trancher la gorge » ou «si …, alors je dois sauter du haut de cette falaise ».
Dans les deux exemples cliniques décrits par Freud, dans la première obsession, la protase est : je désire me débarrasser de cette vieille dame qui m’empêche de voir ma dame et donc la voir disparaître. En rétorsion « je dois me trancher la gorge »
Dans la seconde obsession, la protase qui était refoulée était le désir de se débarrasser d’un rival gênant. Celui-ci s’appelait Dick, gros. En rétorsion, c’était lui qui devait maigrir et disparaître.
Freud écrit « si différente que puisse paraître cette compulsion de la précédente, l’ordre direct de se suicider, un trait important commun : leur genèse en tant que réaction à une rage extrêmement violente soustraite au conscient, rage dirigée contre la personne qui trouble l’amour.
Par rapport à ces dites « compulsions au suicide » quel est le mode hystérique de ces désirs de suicide ? On peut se référer un brouillon de lettre de Dora adressée à ses parents où elle témoignait de son désir de se suicider. C’est à cause de cette lettre que le père de Dora avait décidé de la confier à Freud. Ce dernier trouve qu’elle n’avait pas un sérieux désir de mettre fin à ses jours. Alors qu’il prend très au sérieux les désirs de suicide de Ernst Lanzer, dit l’Homme aux rats.
On s’aperçoit que Dora, par cette lettre, avait d’une part effectué une identification à la gouvernante qui avait été séduite par le célèbre Monsieur K. et qui, ayant peur d’être enceinte, avait écrit à ses parents.
Mais d’autre part aussi s’était identifiée à son père qui un temps, avait voulu, lui aussi, attenter à ses jours. Il avait été, selon ses dires, littéralement « sauvé » par Mme K. (p. 15) Enfin, dans le second rêve de Dora, ce désir de suicide manifeste clairement le désir de se venger de son père et également de le décider à rompre avec Mme K. (p.70)
Est-ce que la même forme de l’implication logique peut rendre compte de ce mode hystérique selon lequel se manifeste le désir de suicide ? En bref, j’aimerais bien trouver la petite formule qui correspond à l’hystérie.
Ne serait-elle pas celle-ci, en tout cas, pour Dora, d’après son rêve : « Si je me tue alors je serais bien vengée, il en aura beaucoup de chagrin ». Tout compte fait, on peut poser que dans l’hystérie, c’est la seconde proposition l’apodose et non pas la protase qui est refoulée. C’est le désir de vengeance qui disparaît en se camouflant sous le désir de suicide ?
Si je me tue, alors…
C’est plutôt par dépit par rapport à la demande d’amour, plus que par rapport au désir de se débarrasser de l’objet rival que se manifeste ce désir de vengeance.
Mais de fait c’est plus compliqué que ça, en raison de ce que Freud appelle « L’oedipe complet » (oedipe positif et oedipe dit inversé). En effet on peut considérer que, par rapport à Mme K., en tant qu’elle est son objet d’amour, le père de Dora est également par rapport à elle, son objet rival.
Dora doit donc bien avoir, elle aussi, tout comme Ernst, un fort désir de se débarrasser de lui, de le voir disparaître. Elle se venge de lui, par amour, elle se punit des désirs de mort qu’elle éprouve à son égard par haine. Mais ce lien à l’objet d’amour maintenu la protège d’une certaine façon de ses désirs de quitter la vie.
Un autre exemple de mode hystérique de rapport au suicide est celui de Goethe, tel qu’il le retranscrit dans son roman « Les souffrances du jeune Werther ». C’est là encore, par une identification hystérique au désir de l’Autre, que l’idée de suicide est adoptée en somme par le sujet. Dans le cas de Goethe, il avait emprunté ce thème du suicide, au jeune Jérusalem. (voir le texte sur Goethe)
Il y a quelque chose que je n’ai pas abordé, c’est la question du suicide dans la mélancolie. Je n’ai pas relu ce texte de Freud abordant cette question « deuil et mélancolie ». Mais c’est quand même important de souligner comment les désirs de suicide trouvent place dans les trois structures, névrose, psychose voire perversion. Ces notes de Freud sur la « compulsion au suicide » de Ernst m’ont donné envie d’explorer ces trois modes.
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bonjour,
je me lis dans ce texte, j’ai cru que j’étais malade mais non, je suis hysterique et hebephrene je crois je ne veux plus rien faire, je suis refractaire et toujours en opposition, certains pensent que je le fais exprès mais non !!! alors je souhaite mourrir pour eviter a ma famille la honte de la déchéance qui s’impose a mon esprit, ma famille est pratiquante, je ne peux pas leur imposer ça et surtout a moi même pour le peu d’estime qu’il me reste! autant en faire bonne usage! je me sens débile : déni des conséquences de ma mort car elle implique avant tout ma personne en souffrance : ultra egocentique et narcissique, quand bien même les gens penseront des choses sur moi, je ne pourrais que le nier car ma force d’etre dans le non, le néant la non créativité la nullité le mimetisme, l’irréalité, je vis dans l’irrealité la mienne et celle des autres leurs réalité me torture car elle me renvoie a mes echecs tous cuisant