Ce rêve se trouve p. 423 de l’Interprétation du rêve ( version J.P Lefebvre) dans le chapitre consacré à la symbolique dans le rêve. Freud nous indique que c’est le rêve d’un chimiste qui essaie d’abandonner ses activités masturbatoires pour les tourner vers l’objet féminin. Il est en fait composé de deux parties. “ Il doit faire du bromure de phénylmagnésium, voit l’appareillage très nettement, mais il s’est lui-même substitué au magnésium. Il est alors dans un état général bizarrement vacillant, ne cesse de se dire : c’est ce qu’il faut, ça va, mes pieds se dissolvent déjà […] là-dessus il se réveille partiellement, se répète le rêve parce qu’il veut me le raconter. Il a peur directement que le rêve se dissoulve, pendant tout ce demi-sommeil il est très énervé et ne cesse de se répéter : phényl, phényl
La deuxième partie du rêve : “ Il est avec toute sa famille à … ing, il doit être à onze heures trente à un rendez-vous au Schottentort avec une certaine dame, mais il ne se réveille qu’à onze trente. Il se dit qu’il est trop tard pour y arriver, il sera midi et demi. Le moment d’après il voit toute sa famille assemblée autour de la table et de manière particulièrement nette sa mère et sa bonne avec la soupière. il se dit alors : bon si on mange déjà, bien sûr que je ne peux plus partir.”
Dans l’analyse de ce rêve on s’aperçoit que c’est Freud lui-même qui est l’expérimentateur de cette synthèse et l’analysant celui qui est justement dans la cornue, objet de l’expérience, Les jambes dans le rêve lui rappellent sa rencontre avec une dame dont il espère faire la conquête. En dansant, il l’avait serrée de près et elle avait répondu à sa pression. Dans son rêve, elle est le “magnésium” dans la cornue, celle grâce à qui l’expérience réussit.
Pour ma part, j’ai eu beaucoup de difficulté à déchiffrer ce rêve et notamment je ne voyais pas quelle place il avait dans ce chapitre consacré à la symbolique dans la fabrication du rêve. Ce qui m’a donné la clé et a mis fin à mes interrogations c’est ce que dit Freud c’est que la femme, celle avec qui il avait rendez-vous est le magnésium, celle qui permet en somme la réussite de l’expérience. En effet ce qui brouille un peu le déchiffrage c’est le fait que l’expérience chimique qui symbolise l’expérience analytique ( C’est Freud qui est le chimiste et il fait ses expériences sur le corps de son analysant), symbolise en même temps le rapport sexuel souhaité et encouragé par l’analyse avec une femme. Freud l’indique, il aurait fallu que l’analysant abandonne son activité masturbatoire pour des objets réels. Dans l’analyse de l’homme aux loups, il parle sans cesse de “ percée vers la femme”.
En gigogne, l’expérience chimique englobe à la fois expérience analytique et expérience sexuelle. C’est donc par rapport à cette dernière qu’il est inscrit dans ce chapitre, comme symbolisation d’un rapport sexuel.
J’ai aussi un peu de mal à joindre cette interprétation du contenu avec cette chaîne signifiante partant de “phényl” jusqu’à “schemihl”. Le rire de l’analysant signe la justesse de cette interprétation de Freud. Mais ce qui permet de joindre les deux c’est peut-être le fait que jusqu’alors il n’avait jamais eu de chance en amour et que dans ce rêve, grâce à cette femme mais aussi grâce à Freud, cette chance lui était offerte. ( Dans le rêve elle répondait en effet à ses attentes et lui servait t de Magnésium.)
Ce qui m’a aussi intéressé dans ce rêve, c’est le fait que dans ce creuset de l’analyse, L’analysant y met en quelque sorte à jour ce que Freud appelle “L’oedipe complet du sujet névrosé, à savoir son Oedipe positif ( identification à l’objet rival au père et amour refoulé pour la mère) mais aussi son Oedipe inversé ( Identification à son objet de haine, la mère, et refoulement de son objet d’amour ( le père). En effet dans son analyse du texte du rêve, il indique qu’il est féminin par rapport à Freud et viril par rapport à cette femme. A noter que même s’il prétend être un exclu de l’amour, celui qui n’a pas de chance en amour, on peut dire qu’il en est plutôt une victime, une victime de ses amours oedipiennes qu’il n’a pas pu abandonner.