Le rêve de l’établissement orthopédique

Ce rêve du paragraphe II de ce chapitre « Matériau et sources du rêve » permet à Freud de démontrer comment dans le contenu manifeste du rêve on trouve toujours une « allusion » à un souvenir d’enfance, souvenir qui est toujours aussi à la source du rêve.

Voici le texte de ce rêve :

Elle est dans une grande pièce où il y a toutes sortes de machines, un peu du genre de celles se représente comme un établissement orthopédique. Elle entend qu’on lui dit que je n’ai pas le temps et qu’il faut qu’elle suive le traitement en même temps que cinq autres. Mais elle n’est pas d’accord et ne veut pas se coucher dans le lit – ou ce qui en tient lieu – qui lui est destiné. Elle reste debout dans un coin et attend que je dise que ce n’est pas vrai. Les autres pendant ce temps, se moquent d’elle en disant qu’elle fait des simagrées. – Avec ça : comme si elle faisait plein de petits carrés. »

Freud nous indique que la première partie de ce rêve est en lien avec l’analyse et concerne le transfert, la seconde partie concerne, elle, un souvenir d’enfance. C’est le lit qui fait le lien entre les deux parties.

Il me semble qu’avec ce deuxième rêve, celui de l’établissement orthopédique, Freud étaye bien ce qu’il a avancé dans son introduction de cette série de rêves, au bas de la page 238 : « En règle générale, il est vrai, la scène infantile n’est représenté dans le contenu onirique manifeste que par une allusion et il faut donc la développer et la tirer du rêve par une interprétation ».

Si l’allusion correspond à ce que Freud appelle déplacement et Lacan métonymie, quel sera dans ce rêve cette allusion ? De ce que nous en dit Freud, ce qui relie le contenu latent et le contenu manifeste de ce rêve est aussi le lit. Il est présent en effet dans ces deux lieux. C’est ce lit qui est la métonymie ( la partie pour le tout).

Alors, du coup, est-ce que ce qu’on appelle interprétation n’est pas le repérage même de la condensation, soit de la métaphore du rêve. Or est-ce que nous ne l’avons pas sous la main de façon évidente, grâce à Freud, ce Schmutzig, sale crasseux, maculé et en même temps, pingre, avare ?

Il écrit en effet : «  Pour ce qui concerne maintenant le contenu latent du rêve on peut échafauder l’idée qu’elle se demande si dans l’hypothèse où je lui consacrerai le double de temps elle ne devrait pas payer le double, idée qui témoigne d’une certaine avarice ou (comme on dit à Vienne) une certaine crasse. »

C’est en effet ce signifiant qui permet à Freud de reconstituer la scène infantile, celle d’une « page de honte », comme la nomme Lacan, celle où elle avait sali son lit et où ses frères et sœurs s’étaient moqués d’elle. Les signifiants pulsionnels pour ce rêve sont franchement merdiques.

Il y a donc un double sens qui s’instaure entre le contenu latent et le contenu manifeste du rêve, celui de la métonymie et celui de la métaphore. La première intervient dans la construction du rêve, sa formation. La seconde, de son contenu manifeste à son contenu latent, par son interprétation. Qu’est-ce que vous en pensez, est-ce que ça vous paraît clair ? Je me suis fait un petit schéma pour bien me préciser les choses :

De toute façon, nous aurons l’occasion de travailler un peu plus cette question de la métaphore et de la métonymie, dans les chapitres qui suivent, en y retrouvant le déplacement et la condensation.

L’étymologie du mot « Orthopédie » n’est pas sans rapport avec ce Schmutzig, puisque ce qu’il signifie littéralement c’est « une éducation droite », il s’agirait en effet d’une éducation de la propreté. C’est lui qui prépare l’apparition de ces signifiants anaux.

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