Ce texte des Écrits, « la signification du phallus » est daté de mai 1958. Il est donc contemporain du séminaire des Formations de l’inconscient et a été sans doute écrit au moment même où Lacan commentait les trois rêves de cette analysante de Freud, celle qui était arrivée trop tard au marché et n’avait plus rien trouvé.
En relisant cette fois-ci, et une fois de plus, ce texte, j’ai repéré que c’est une étape théorique importante que Lacan franchit par rapport à Freud, dans sa façon d’aborder la question du complexe de castration.
Mais c’est pourtant bien des données freudiennes qu’il part et c’est une façon de les intégrer dans son approche. Voici en effet ce qu’il en écrit au départ :
« On sait que le complexe de castration inconscient a une fonction de nœud :
1- dans la structuration dynamique des symptômes au sens analytique du terme, nous voulons dire de ce qui est analysable dans les névroses, les perversions et les psychoses.
2- dans une régulation du développement qui donne sa ratio à ce premier rôle : à savoir l’installation dans le sujet d’une position inconsciente sans laquelle il ne saurait s’identifier au type idéal de son sexe, ni même répondre sans de graves aléas aux besoins de son partenaire dans la relation sexuelle, voire accueillir avec justesse ceux de l’enfant qui s’y procrée. »
J’ai limité ma lecture de ce texte à la page 694 celle où donc il précise quelle est cette fonction du phallus en tant que justement il détermine les rapports entre les sexes. On peut souligner en effet que le signifiant du phallus est associé à ces trois verbes : être, avoir, paraître. Dans un autre texte, il rajoute: donner et recevoir. Je reprends ce que Lacan en dit : « disons que ces rapports tourneront autour d’un être et d’un avoir qui, de se rapporter à un signifiant, le phallus, ont l’effet contrarié de donner d’une part réalité au sujet dans ce signifiant ( c’est lui qui le représente pour un autre signifiant), d’autre part d’irréaliser les relations à signifier. Ceci par l’intervention d’un paraître qui se substitue à l’avoir, pour le protéger d’un côté, pour en masquer le manque dans l’autre. »
Quelques lignes plus loin il écrit « Si paradoxale que puisse paraître cette formulation, nous disons que c’est pour être le phallus, c’est à dire le signifiant du désir de l’Autre, que la femme va rejeter une part essentielle de sa féminité, nommément tous ses attributs dans la mascarade ». (Question : est-ce que ce n’est pas ce que démontre l’analysante de Freud, dans son rêve « inutile de faire accorder le piano ? )
J’ai fait pour mieux me repérer un petit schéma qui montre l’évolution de ce mode de rapport au phallus pour un homme et pour une femme.Il y aurait donc deux niveaux où le verbe « être » peut être utilisé, un premier niveau où il s’agit en effet d’être l’objet du désir de l’Autre, l’objet phallique de la mère et un second où il s’agit cette fois-ci, pour une femme, de paraître l’être dans la mascarade phallique dans sa relation à un homme. Il y a entre les deux toute la traversée de l’Oedipe et donc la mise en œuvre de la castration symbolique.
J’hésite un peu à situer à quel niveau se trouve la provocation hystérique, avec son « non, ce n’est pas la peine » je pense qu’effectivement elle se situe au niveau de l’avoir ou de ne pas l’avoir, mais je dirais sur le chemin de démontrer la dimension de mascarade auquel entraîne cette question du phallus. C’est du cinéma.
Donc en tout cas, pour moi, ce qui s’est bien éclairci, c’est le fait qu’une femme hystérique ne s’est pas encore inscrite dans la fonction phallique comme une femme, mais elle en montre en quelque sorte le chemin, puisque ce que dit Lacan c’est que Dora cherche en madame K. le secret de sa propre féminité. Au reste dans une des séances d’un discours qui ne serait pas du semblant, une de celles justement il met en place les formules de la sexuation, Lacan indique que sur ce chemin de l’inscription d’une femme dans la fonction phallique, l’hystérique joue le rôle d’un « schéma fonctionnel, si vous savez ce que c’est, c’est la portée de ma formule du désir insatisfait » » . ( c’est dans la séance du 9 Juin 1971). Inutile de vous lire que je suis bien loin d’y déchiffrer ce qu’il y raconte à ce propos y compris ce fragment : « C’est là la butée dont se sépare comme tel le désir de l’hystérique de ce qui ce qui pourtant se produit et qui permet à d’innombrables de fonctionner comme telles, c’est à dire en fonction du « Pas plus d’Un » de leur être pour toutes leurs variations situationnelles ». C’est page 10 et 11 de la sténotypie. Je ne me lance pas dans cette entreprise mais quand même on voit bien à quel point avec cet article de la signification du phallus, tous les éléments sont déjà en place pour pouvoir y inscrire les formules de la sexuation et le rôle qu’y jouent dans cette mise en place les femmes hystériques. Je pense que ce pas-plus-d’un fait référence à la fois à la fonction d’exception du père et à la fonction du zéro, lorsque la chaîne signifiante est indexée sur la série des nombres entiers naturels).
En tout cas, pour ma part, j’ai élucidé ce point. L’hystérie n’est qu’une étape sur les chemins de la féminité et le cas de Dora reste, à ce sujet, exemplaire. C’est en effet madame K. qui est l’objet de son intérêt au titre d’une femme si ce n’est de La femme ( Sa contemplation de la madone de Dresde). Et on voit bien le rôle défaillant qu’y joue son père.
Pour ceux qui souhaite relire le texte, ce passage de la signification du phallus se trouve p.694
La séance d’un discours qui ne serait pas du semblant est celle du 9 juin 1971
Les deux autres verbes « recevoir » et « donner » par rapport à « ne pas l’avoir » et « l’avoir » se trouvent dans « La direction de la cure » les Ecrits, p. 642.