J’ai relu pour préciser ce qu’est « lalangue » comme un mot forgé dans la bouche de Lacan trois textes fort coton : Radiophonie, l’Etourdit et Télévision. Je me suis tout simplement régalée. Il tresse ensemble plusieurs termes qui nous sont très familiers mais dont il faut justement se méfier comme étant éventuellement de faux amis :
– linguistique et linguisterie,
– structure, langage et inconscient,
– La structure e(s)t la topologie,
– la structure e(s)t le langage
– et enfin ces trois articles qui accompagnent le terme de langage : le langage, un langage, des langages.
J’ai donc isolé ce terme de Lalangue en le replaçant à chaque fois au plus juste dans son contexte
Dans Télévision, de 1972. P. 16.
Il évoque ce Lalangue comme étant ce par quoi le sujet est effet.
« L’inconscient, ça parle, ce qui le fait dépendre du langage, dont on ne sait que peu : malgré ce que je désigne comme linguisterie pour y grouper ce qui prétend, c’est nouveau, intervenir chez les hommes au nom de la linguistique. La linguistique étant la science qui s’occupe de Lalangue, que j’écris en un seul mot d’y spécifier son objet, comme il se fait de toute autre science. »
Donc là première difficulté Lalangue est-elle l’objet de la linguistique ou celui de la linguisterie ? Je supputerai bien d’après la phrase qui précède sur la définition de la linguisterie comme étant je dirais un effet secondaire de la linguistique, que cette Lalangue est l’objet des deux à la fois.
Ce qui confirme ma supputation c’est la phrase qui suit : «cet objet -donc Lalangue – est éminent, de ce que ce soit à lui que se réduise plus légitimement qu’à toute autre la notion même aristotélicienne de sujet. Ce qui permet d’instituer l’inconscient de l’ex-sistence d’un autre sujet à l’âme.
En fait la sujet de l’inconscient ne touche à l’âme que par le corps, d’y introduire la pensée : cette fois de contredire Aristote, L’homme ne pense pas avec son âme, comme l’imagine le philosophe.
Il pense de ce qu’une structure celle du langage – le mot le comporte- de ce qu’une structure découpe son corps, et qui n’a rien à faire avec l’anatomie. Témoin l’hystérique. Cette cisaille vient à l’âme avec le symptôme obsessionnel : pensée dont l’âme s’embarrasse, en sait que faire ».
Admirez au passage cette belle note clinique concernant les deux névroses strictement articulée au langage en tant que structure.
Mais pour l’instant de notre cueillette nous avons en main ceci :
Lalangue est l’objet de la linguistique et de la linguisterie en tant qu’elle est responsable de la constitution du sujet, du sujet de l’inconscient.
Deuxième occurrence p. 21.
Cette la lalangue est cette fois-ci associée au signifiant.
La linguistique se fonde de son objet, le signifiant. « Pas un linguiste qui ne s’attache à la détacher comme tel, et du sens notamment. J’ai parlé du versant du signe pour en marquer l’association au signifiant. Mais le signifiant en diffère en ceci que la batterie s’en donne déjà dans lalangue.
Parler de code ne convient pas, justement de supposer un sens.
La batterie signifiante de Lalangue ne fournit que le chiffre du sens.
Chaque mot y prend selon le contexte une gamme énorme disparate de sens dont l’hétéroclite s’atteste souvent au dictionnaire.
Ce n’est pas moins vrai pour des membres entiers de phrases organisées. Telle cette phrase dont je m’arme cette année les non dupes errent.
En fait c’est que de tout signifiant, du phonème à la phrase puisse servir de message chiffré personnel ( personnel disait la radio pendant la guerre) qu’il se dégage comme objet et qu’on découvre que c’est lui qui fait que dans le monde, le monde de l’être parlant, il y de l’Un, c’est à dire de l’élément, le stoikeion du grec. »
Arrivée à ce point qu’est que je peux tirer de ce bout de texte ?
Lalangue n’est pas le lieu du code, le trésor du signifiant, celui où l’Autre authentifie le mot d’esprit comme un néologisme (Voir le famillionnaire).
Lalangue c’est l’ensemble des phonèmes d’une langue donnée, une langue de fait maternelle, avec lesquels le sujet constitue les lettres de son désir, les signifiants de la pulsion.
Il me semble donc qu’ici je peux me risquer à poser comme équivalente Lalangue et l’instance de la lettre dans l’inconscient.
Rajoutons un autre point : où pouvons nous l’inscrire sur la graphe du désir ?
Si le lieu du code, le trésor du signifiant dans lequel le sujet choisit, en fonction du désir de l’Autre et avec les mots de l’Autre, les signifiants de sa demande, peut s’inscrire sur la ligne du bas du graphe en Grand A., je me risquerai donc à dire que Lalangue peut s’inscrire sur le graphe en tant qu’équivalente aux signifiants de la pulsion au niveau de la chaîne signifiante inconsciente avec la formule de la pulsion : S barré poinçon de grand D. C’est un premier déchiffrage et cela va sans doute se clarifier.